Enquête IESF : les ingénieurs toujours très recherchés sur le marché de l'emploi

Etienne Gless Publié le
Enquête IESF : les ingénieurs toujours très recherchés sur le marché de l'emploi
Les chiffres de l'insertion professionnelle des jeunes ingénieurs sont encore au beau fixe, avant un sérieux ralentissement à prévoir ? // ©  Drobot Dean / Adobe Stock
Salaire médian deux fois supérieur à celui de l'ensemble des salariés français, plein emploi, CDI et statut de cadre omniprésent, les profils d'ingénieurs restent très attractifs, comme le souligne la 31e enquête annuelle d'IESF, publiée le 23 juin 2020. Deux bémols : les ingénieures restent sous-représentées et sous-payées par rapport à leurs homologues masculins et les nuages s'accumulent pour l'emploi et l'apprentissage en 2020.

Le taux de chômage des 895.400 ingénieurs en activité demeure ultra faible. Avec 3,5% de chômeurs, il restait, début 2020, à l'un des niveaux les plus bas enregistrés depuis que l'enquête est menée par l'association Ingénieurs et scientifiques de France (IESF).

Tous secteurs confondus, 131.000 ingénieurs ont été recrutés en 2019 contre 125.000 en 2018. L'industrie et le BTP ont été les principaux moteurs de ces emplois. Le recrutement de chef de projet pose le plus de difficultés aux employeurs, dépassant pour la première fois celui d'ingénieur en systèmes d'information.

Salaires et mobilité restent élevés

Le salaire médian brut annuel d'un ingénieur reste à 60.000 €, comme l'an passé. En 2019, l'ingénieur débute sa carrière à un salaire médian de 35.000 € et la termine à 100.000 €. Pour les ingénieurs de moins de 30 ans, les salaires bruts annuels médians oscillent entre 32.000 € et 48.000 € selon les secteurs d'activité. Sans surprise, le secteur de la banque, finance et assurance est le plus rémunérateur.

La mobilité se maintient à un niveau élevé : en 2019, 25% des ingénieurs ont changé d'emploi ou de poste et 70% dans les cinq dernières années. Cette mobilité est très majoritairement bien vécue : 86% de satisfaction quand il s'agit d'un changement d'employeur ou d'un changement de poste en interne avec promotion hiérarchique et encore 68% de satisfaction pour un simple changement de poste sans promotion.

Pourquoi bouger ? "Le contenu du poste semble le critère essentiel dans la décision d’intégrer l’entreprise actuelle, loin devant le secteur d’activité, la localisation, la rémunération ou la conciliation offerte entre vie professionnelle et personnelle", analyse Marie-Annick Chanel présidente de l'Observatoire des ingénieurs d'IESF. En revanche, la sécurité de l’emploi, la stratégie de l’entreprise, son engagement sociétal ou environnemental ou sa politique de diversité semblent peu peser dans le choix.

A noter, le nombre d’ingénieurs travaillant à l’étranger progresse mais la proportion se réduit légèrement au-dessous de 15% en 2019, montrant certainement un effet 'Brexit'. Ainsi, alors que le nombre total d’ingénieurs travaillant en Europe augmente de 15% entre 2014 et 2019, il diminue de 18,8% au Royaume-Uni. De 12.250 en 2014, les ingénieurs français travaillant outre-Manche ne sont plus que que 9.950 en 2019.

Apprentissage : une ascension bientôt freinée ?

La part d'ingénieurs formés par apprentissage progresse lentement pour l'ensemble des professionnels mais rapidement pour les moins de 35 ans. On comptait en effet moins de 2% d'inscriptions d'élèves ingénieurs en apprentissage en l'an 2000 contre 15% en 2017-2018.

La comparaison entre les ingénieurs formés sous statut étudiant et en alternance est instructive : 80% des ingénieurs diplômés sous statut étudiant sont issus de classes préparatoires aux grandes écoles (y compris prépas intégrées) quand 60% des diplômés par la voie de l’apprentissage sont issus de formations DUT ou BTS. "Ces différences de filières de formation suggèrent des origines sociales différentes", commente Marie-Annick Chanel. "L’apprentissage pourrait être un vecteur de diversification sociale des ingénieurs". Cette dynamique pourrait cependant être freinée après la récente annonce d'une prime à l'embauche d'apprentis valable du 1er juillet au 28 février se limitant au niveau licence.

Cependant, si les ingénieurs formés par la voie de l’apprentissage - 15% des diplômés en 2018 - gagnent moins que ceux formés sous statut étudiant, ils sont plus nombreux à se voir confier des responsabilités hiérarchiques. En effet, les ingénieurs de moins de 25 ans diplômés par la voie de l'apprentissage en poste touchent ainsi un salaire médian brut annuel de 35.000 € contre 36.000 € pour leurs camarades sous statut étudiant. Mais 27% ont déjà des responsabilités hiérarchiques, contre 16,1% pour les ingénieurs de moins de 25 ans diplômés par la voie "classique".

La féminisation marque le pas

La proportion de femmes ingénieures diplômées reste quasi constante depuis sept ans. Elle est bloquée en dessous de 30%, à 28,4% de femmes parmi les quelque 40.000 ingénieurs diplômés en 2019.

Sur dix ans, la progression de la féminisation a même été très lente : on comptait déjà 26,9% de femmes parmi les 32.000 ingénieurs diplômés cette année-là. Le tableau pourrait s'éclaircir dans les années à venir : en 2018-2019 le nombre de femmes inscrites dans les écoles d’ingénieurs a augmenté un peu plus que celui des hommes (+5,5% contre 2,6%). Ce qui peut augurer d'une reprise de la féminisation de la profession. Reste qu'en 2020 faire savoir qu'ingénieure est aussi un métier de femme reste un combat !

Inquiétudes sur l'emploi en 2020

La conjoncture économique inquiète aussi les ingénieurs depuis la crise du Covid-19. L'enquête d'IESF, lancée en février et close mi-avril 2020, prend en effet en compte la crise sanitaire : la crainte de perdre son emploi a bondi de 7,1% avant le début du confinement à 10,1% après le 17 mars. Sont particulièrement concernés les secteurs comme les industries extractives, l’aéronautique ou les sociétés de conseil et d’ingénierie.

Les jeunes diplômés pourraient souffrir en 2020 pour leur insertion professionnelle : les cinq dernières promotions pré-Covid 2019 d'ingénieurs affichaient un taux quasi identique de jeunes diplômés en recherche d'emploi à 14%. La récession économique d'une ampleur inégalée en 2020 va inévitablement faire augmenter ce pourcentage même si les mesures en faveur de l'emploi des jeunes qui seront annoncées début juillet pourraient limiter la casse.

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