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Sommet des Start-up

Sommet des start-up : le numérique crée des opportunités de croissance… et des inégalités

Télétravail, business en ligne, e-administration : le confinement a dopé l’usage du numérique. Au sommet des start-up de Challenges, ce jeudi 25 juin, un économiste et deux dirigeants d’entreprises en première ligne -La Poste et Google- expliquent les progrès et les problèmes liés à cette révolution digitale.

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Le confinement suite à la pandémie de coronavirus a accéléré d’un coup l’usage du numérique pour tout le monde, les travailleurs, les élèves, les entreprises. Un bond dans l’innovation forcé porteur de progrès mais aussi révélateur de fractures. Alors, l’innovation, facteur de croissance ou d’inégalités ? Les deux, répond Philippe Aghion, professeur au Collège de France et grand spécialiste de la question, à la table ronde du Sommet des start-ups de Challenges ce jeudi 25 juin. "L’innovation est le moteur de la croissance du capitalisme, nécessaire pour rester compétitif et explorer de nouveaux marchés, expose ce disciple de Joseph Schumpeter, le théoricien de la "destruction créatrice". Il faut donc la stimuler, faire émerger les talents, les encourager. A court terme, ce processus creuse les inégalités par le haut en créant une élite des 1% qui s’accapare une part de plus en plus importante du revenu total. Mais, à plus long terme, quand l’innovation se diffuse et à condition de ne pas permettre aux entrepreneurs à succès de profiter de leur rente de situation pour bloquer les inventions futures, l’innovation stimule la mobilité sociale, suscite l’émergence de nouveaux talents qui, à leur tour, se l’approprient. In fine, elle ne creuse donc pas les inégalités globales."

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Fractures numériques

Si elle endosse cette théorie, Natalie Collin, directrice générale adjointe de La Poste en charge du digital, la relativise au vu de son expérience du terrain, au contact direct d’une population diverse : "Il y a un bénéfice à long terme mais sur le moment, ici et maintenant, le numérique est bien générateur d’inégalités. D’abord parce que, contrairement à la révolution industrielle, il touche inégalement les secteurs et donc a un moindre effet d’entrainement sur la croissance et l’emploi, d’autant qu’il était plus facile de transformer un travailleur agricole en ouvrier dans l’industrie que de former un ouvrier à devenir un expert du digital. Et aussi parce que la fracture numérique est patente, territoriale (avec les zones blanches), sociale (à cause du coût d’équipement en ordinateur, tablette, smartphone, abonnement Internet) et culturelle (47% des Français seulement disent bien maîtriser les outils informatiques)." Pour essayer de combler cette fracture, devenue critique par temps de confinement, la Poste a pris des mesures concrètes « spécial Covid-19 »: alors que 500000 élèves ont complètement décroché pendant cette période, elle a monté une plate-forme de connexion pour les contacter, récupérer leurs devoirs, les numériser, renouer le contact avec les professeurs ; pour aider ses 1,5 million de clients allocataires de minima sociaux, parfois sans moyen de paiement, elle a aussi créé un service SMS pour les accompagner.

De son poste d’observation stratégique, Sébastien Missoffe, directeur général de Google France, voit aussi bien les inconvénients que les avantages de cette digitalisation à marche forcée : "Les inégalités d’accès et de maîtrise des outils numériques sont effectivement un facteur d’exclusion supplémentaire pour une population défavorisée, analyse-t-il, mentionnant que son groupe travaille avec des associations comme Emmaüs Connect sur le sujet. Cependant, la conversion au digital est aussi une formidable opportunité d’expansion pour les TPE et PME qui, grâce notamment à nos outils, peuvent à peu de frais améliorer leur productivité, élargir leur clientèle, améliorer leur rentabilité", dit-il, citant en exemple le succès sur le Web de la Maison Empereur, plus vieille quincaillerie de France basée à Marseille. Face à la fracture numérique, Google France mise sur la formation : plus de 500.000 personnes sont passées par ses "ateliers Google", avec des formations spécifiques pour les PME, les élèves et étudiants et les chercheurs d’emploi.

Etat régulateur

Pour conclure, Philippe Aghion insiste sur le rôle de l’Etat pour soutenir le meilleur de l’innovation en gommant ses pires effets secondaires. Pour "protéger le capitalisme des capitalistes", il prône d’abord une politique du travail inspirée de la flexisécurité danoise, où les entreprises peuvent licencier facilement mais les chômeurs sont protégés et, surtout, formés. Et aussi une politique de redistribution avec un revenu minimum plus automatique et généreux que le RSA. Mais surtout une politique active de concurrence et de lutte contre le lobbying. "Le problème de l’innovation dérégulée est qu’elle crée de la rente : les entrepreneurs qui ont réussi sont tentés de s’ériger en monopoles qui étouffent les innovations nouvelles susceptibles de menacer leur avantage acquis. A l’ère du numérique, les GAFA sont ainsi devenus hégémoniques faute de régulation forte sur les fusions-acquisitions, et c’est mauvais pour les inégalités comme pour la croissance". Une vision approuvée par Nathalie Collin qui, "venant d’un ancien monopole ultra-régulé", s’inquiète de l’impact sur l’économie mais aussi sur la démocratie et sur la vie privée de "ces nouveaux monopoles pas du tout régulés". En tant que membre de ces fameux GAFA, Sébastien Missoffe est resté sur la retenue, se contentant d’assurer que Google aussi voulait aller "vers un capitalisme plus humain".

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