Si la crise sanitaire a fortement aidé au développement des usages numériques, le fossé risque de se creuser avec les moins bien lotis, selon Lucie Taurines, directrice de l'inclusion numérique chez Cap Gemini.

Selon vous, la crise sanitaire a aussi renforcé la fracture numérique au sein de la société ?

Oui et la publication de notre dernière étude, avec le Cap Gemini Research Institute, est l’opportunité de le démontrer. Si les usages numériques ont grandement progressé pendant cette période, la situation est d’autant plus difficile pour les personnes laissées pour compte, qui n’ont soit pas la formation, soit pas les outils, pour avoir accès à des besoins de bases, qui se sont numérisés à grande vitesse ces dernières semaines. Comme internet est devenu le moyen principal pour se sociabiliser, télétréavailler ou avoir accès aux services publiques ou à des besoins primaires, certaines personnes se retrouvent totalement sur le carreau. A terme, cela risque d’accroitre encore les inégalités sociales. Ce ne sont pas les mêmes situations dans tous les pays et l’illectronisme est très varié. En Inde par exemple, ce sont les femmes à la maison, dans d’autres, davantage les personnes âgées, ou d’autres encore les populations jeunes et pauvres. Selon notre étude [réalisée avant le confinement planétaire et sur plusieurs pays], parmi les répondants, la tranche d’âge avec la plus forte proportion de personnes déconnectées est celle des 18-36 ans (43%). C'est une question à ne pas négliger pour la suite. 

Pourtant on dit que beaucoup se sont justement mis au numérique pendant cette crise ?

Oui cela éveille un intérêt de base, cela donne obligation de s’y mettre, mais ça ne suffit pas. Soit par manque de moyen, soit par manque de connaissances. Par exemple nous travaillons beaucoup avec Emmaüs Connect. Ils travaillent à la formation des personnes aidant au numérique. Ce sont ces personnes-là qui sont très importantes. C’est pourquoi nous aidons les gouvernements et les entreprises à mettre en place les bons partenariats. C’est très important. Car vous pouvez offrir 1000 interfaces à un Ephad, si vous n’avez pas les personnes pour accompagner et apprendre aux résidents à s’en servir, l’intérêt est limité...

Les entreprises sont-elles ouvertes à cette question ?

De plus en plus oui. Les entreprises de la tech savent qu’elles ont tout à y gagner. Et elles prennent conscience que c’est un enjeu fort et qu’il faut faire des alliances et travailler main dans la main. C’est le sens de la Grande Ecole du Numérique en France, mais aussi de projets de la tech for Good. 

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