Editorial du « Monde ». L’enseignement supérieur est au bord de l’asphyxie. Le nombre de jeunes souhaitant y accéder ne cesse d’augmenter, mais les moyens consacrés à les accueillir ne suivent pas. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il s’aggrave. Sur la dernière décennie, le budget par étudiant a ainsi chuté de 10 %, et la situation pour la rentrée 2020 s’annonce particulièrement tendue.
Les résultats de la plate-forme d’admission dans l’enseignement supérieur Parcoursup, dévoilés le 17 juillet, montrent que des dizaines de milliers de postulants restent à ce stade sans proposition d’orientation. Il s’agit d’un immense gâchis, qui risque de se perpétuer dans les prochaines années si la France continue de sous-investir dans son enseignement supérieur.
Le système est d’abord confronté à un défi démographique. Cette année, 20 000 lycéens de terminale supplémentaires se sont inscrits sur Parcoursup. Ensuite, le taux de réussite au baccalauréat, historiquement élevé avec 96 % d’admis, a ouvert les portes du supérieur à 48 000 élèves de plus qu’en 2019.
Engorgement
Les circonstances exceptionnelles dues à la pandémie de Covid-19 ont conduit à ces résultats inédits : l’épreuve terminale a été annulée, tandis que des consignes ont été données aux enseignants pour qu’ils fassent preuve de mansuétude. Par ailleurs, le millésime 2020 était particulier : il s’agissait en effet de la dernière génération à passer le bac « ancienne formule », ce qui rend les redoublements compliqués.
Cet engorgement conjoncturel amplifie les carences structurelles d’un système qui se retrouve régulièrement au bord de la rupture faute d’investissements suffisants. La France, dont le taux d’accès aux études supérieures se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE, ne se donne pas les moyens adéquats pour accompagner sa jeunesse dans ses études. Depuis une dizaine d’années, les universités sont saturées. Les locaux ne sont plus suffisants pour faire face à la hausse des inscriptions, tandis que le nombre d’enseignants et de personnels administratifs stagne. Quant aux formations courtes susceptibles d’accueillir les bacheliers professionnels, la pénurie est patente.
Il serait illusoire d’attendre patiemment que l’afflux exceptionnel de cette année se résorbe de lui-même. La situation pourrait même empirer. La crise économique qui s’annonce devrait inciter les jeunes à prolonger ou à reprendre leurs études, faute de propositions d’embauche.
Comme dans de nombreux domaines, la pandémie agit comme un révélateur des fragilités existantes. L’encadrement des étudiants va être encore plus problématique, avec des jeunes qui entrent à l’université après une scolarité très perturbée par le confinement et qui n’a pas été sanctionnée par un examen final. Sans compter le nécessaire déploiement de l’enseignement à distance – notamment pour les cours magistraux – en raison d’une potentielle reprise de l’épidémie. Faute de moyens supplémentaires, les décrochages risquent d’être nombreux.
Tout le monde s’accorde sur le fait que l’enseignement supérieur représente un levier essentiel pour renforcer notre économie en matière de compétitivité et d’adaptation aux mutations technologiques qui seront au cœur des plans de relance. Encore faut-il que les efforts budgétaires consentis soient à la hauteur de cette ambition. Or, la loi sur la programmation pluriannuelle pour la recherche, qui doit être prochainement discutée, ne parle ni d’université ni de moyens supplémentaires pour répondre à ce défi de la formation de la jeunesse.
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