Le 2 décembre 2019, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, est l’invité de la journée de la filière automobile. Il en profite pour leur passer un savon. « Nous produisons et nous assemblons au Maroc, en Slovaquie, en Turquie pour réimporter en France à des fins commerciales. Je ne me satisfais pas d’un modèle où les deux véhicules les plus vendus en France, la Clio et la 208, ne sont plus produits en France. Ce modèle de développement est un échec. » Et d’annoncer la rédaction d’un rapport sur le sujet, confiée au consultant Hervé Guyot, ancien directeur de la stratégie de Faurecia.
Le constat du ministre n’est pas une nouveauté, mais la crise sanitaire, qui a paralysé l’économie durant trois mois, a remis au goût du jour les réflexions sur les délocalisations françaises. Et en la matière, l’industrie automobile est un exemple frappant. En 2000, la France était clairement le deuxième producteur et exportateur d’automobiles d’Europe, derrière l’Allemagne. En une décennie, essentiellement entre 2004 et 2014, les délocalisations ont été massives. L’emploi dans le secteur a baissé de 36 % et la France a été doublée par l’Espagne, et même, de manière éphémère (entre 2014 et 2016), par le Royaume-Uni.
Trois causes de désaffection
Une récente note du Conseil d’analyse économique (CAE) s’est penchée sur le phénomène et sur les paradoxes qu’il soulève. Le premier est que cette fuite de la production n’est pas due à une déconfiture commerciale. La part de marché des marques françaises a été relativement stable durant cette période.
D’autre part, un constructeur japonais, Toyota, avait fait, lui, le choix inverse de développer de la production en France, sur le site d’Onnaing, près de Valenciennes (Nord). Sa production a grimpé de 150 000 exemplaires à ses débuts à bientôt 300 000, faisant du modèle Yaris, qui y est fabriqué, l’une des quatre voitures les plus produites en France en termes de volume. La France a délocalisé beaucoup plus massivement sa production que les autres grands pays du secteur, comme l’Allemagne, les Etats-Unis ou le Japon. Il y aurait donc un problème spécifique des usines françaises et des constructeurs français.
« L’avantage qui reste à la France repose sur la taille de sa production », souligne la note du CAE
Les causes de cette désaffection ont été décortiquées, tant dans la note du CAE que dans le rapport Guyot. Elles sont au nombre de trois. La première, la plus mise en avant par la profession, est le coût du travail par unité de production. Il est notoirement plus élevé qu’en Espagne ou dans les pays de l’Est, mais il pourrait aussi s’expliquer par l’âge des usines qui ne permettrait pas un degré d’automatisation et d’organisation similaire à celui de Toyota dans la région de Valenciennes.
Il vous reste 55.39% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.