Pendant les premières semaines de la crise du Covid-19, c’est une usine délocalisée dans tout l’Hexagone qui a fourni les protections indispensables aux soignants. Selon les calculs de sites spécialisés, deux millions de visières ont ainsi été conçues, fabriquées et distribuées de façon artisanale, un peu partout dans l’Hexagone, pendant le confinement. Début mars, des collectifs de bénévoles se sont organisés spontanément dans un grand nombre de régions pour fournir aux hôpitaux et aux maisons de retraite le matériel qui leur faisait défaut : masques, visières, respirateurs et pousse-seringues.
Au moment où ni l’Etat ni le secteur privé n’étaient en mesure d’apporter de réponses immédiates, des coopérations inédites ont vu le jour. Des designers et des ingénieurs ont conçu en ligne des respirateurs et des visières, des propriétaires d’imprimantes 3D les ont fabriqués, des chaînes de covoiturage les ont distribués. Des processus dérogatoires, souvent à l’échelle locale d’un CHU, ont validé l’utilisation temporaire de certains dispositifs. « Les gouvernances spontanées qui se sont mises en place avaient pour point commun d’être très horizontales », constate la cofondatrice du site Covid-initiatives.org, Constance Garnier, qui termine une thèse sur l’organisation des « fab lab ».
Outils ouverts
De multiples initiatives numériques solidaires et ouvertes ont émergé dans d’autres domaines – plates-formes d’entraide et de médiation pour répondre aux besoins des enseignants et des télétravailleurs, outils de partage de données de santé et d’informations…
En mars, la plate-forme de science participative en ligne Jogl (Just One Giant Lab) a vu le nombre de ses membres bondir : environ 4 000 contributeurs issus de plus de 120 pays se sont ainsi engagés dans l’initiative OpenCovid19. Les services en ligne de l’association d’éducation populaire Framasoft, qui milite pour des outils ouverts, ont été pris d’assaut par des télétravailleurs en quête d’outils de partage et de visioconférence efficaces, transparents et respectueux des données personnelles.
Ce mouvement décentralisé a été porté par des communautés informelles mais aussi par des réseaux plus structurés comme celui des fab lab, ces ateliers de fabrication numérique collaboratifs, ou ceux du logiciel libre et de l’open data. « Les gens ne pouvaient pas se déplacer à plus d’un kilomètre, mais ils avaient Internet et, parfois, des outils qui leur permettaient de produire dans leur garage ou leur salon, note Hugues Aubin, vice-président du réseau français des fab lab et cofondateur du Labfab à Rennes. Sans le mouvement du libre et le commun des “makers”, rien de tout cela n’aurait pu exister. Le concept de communs numériques s’est incarné. »
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