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Comment l’agriculture connectée s’impose en France

Coup de projecteur sur ces métiers de la terre forcés de se réinventer pour survivre.

Entreprendre - Comment l’agriculture connectée s’impose en France

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La technique, puis la technologie ont déjà fait leur apparition depuis longtemps dans le secteur de l’agriculture, de par les machines agricoles en premier lieu. L’évolution des méthodes de travail s’est accélérée à tel point que les grands groupes ne sont plus les seuls sur la place. De jeunes et moins jeunes entreprises, des magazines, des blogs alimentent ce nouveau créneau avec l’appui des structures publiques.

Une technologie présente depuis longtemps

L’image d’Epinal de l’éleveur de brebis trayant son troupeau pour faire son fromage au lait cru sur le plateau du Larzac et regarde la nuit venue les étoiles pour prévoir la météo du lendemain est bien jolie, mais très éloignée de la réalité de l’agriculture française et européenne. Cela fait des décennies que les exploitants utilisent la technologie avec des tracteurs et autres moissonneuses-batteuses de plus en plus sophistiqués, des robots de traite, le suivi des cartes satellites pour décider quelles parcelles sont en besoin d’engrais ou produits complémentaires, etc. En bref, les agriculteurs ne sont nullement déconnectés des progrès, bien au contraire et le passage du minitel au smartphone s’est fait naturellement, comme pour le reste de la population.

L’arrivée en force de la connectivité

Plus récemment, la connectivité est devenue plus concrète dans le sens où tous les éléments disparates qui facilitaient la tâche des agriculteurs, ainsi que tous les outils d’aide à la décision, peuvent à présent être connectés les uns aux autres, faisant d’une exploitation agricole un tout cohérent grâce à internet et aux nouveaux logiciels informatiques. Cette intégration est une révolution, y compris pour le profil des agriculteurs qui veulent utiliser ces nouvelles méthodes.

Des chiffres qui grimpent

Selon le site agriculture.gouv.fr, 79% des agriculteurs français utilisent internet, soit plus que la moyenne nationale. Ils possèdent également plus de smartphones que la moyenne des Français. 80% d’entre eux l’utilisent dans le cadre de leur profession. Quasiment tous consultent la météo professionnelle et consultent ainsi leurs données d’exploitation via un accès internet. De plus, selon l’étude « Agrinautes 2018 » : 72% des possesseurs de smartphones disposent au moins d’une application agricole, 69% cherchent une aide à la prise de décision grâce à ces applis, 44% y recherchent des informations.

Les réseaux sociaux sont également une aide précieuse de communication d’un quotidien bien réel et non pas fantasmé auprès du grand public. En bref, l’agriculteur du XXIe siècle est non seulement un chef d’exploitation, mais aussi un commercial, un manager, un technicien et un communicant.

Une gestion plus fine et pro-environnementale

L’exemple le plus cité, car facilement compréhensible par tous, est celui des stations météo connectées permettant de disposer de données essentielles afin de prévoir les risques d’attaque de maladies des plantes, fruits et légumes, et vignes en particulier. L’agriculteur connecté reçoit en temps réel directement sur son smartphone des informations lui permettant de planifier par exemple un traitement spécifique en cas de danger, ou l’incitant au contraire à supprimer un traitement qui faisait auparavant partie de ses habitudes de culture.

Ces outils peuvent aussi être complétés par l’utilisation des drones qui vérifient d’éventuels besoins d’irrigation, contrôlent des dégâts provoqués par une tempête ou aident à décider du meilleur moment pour récolter ou vendanger. Ce type d’outil permet une meilleure gestion, sur le type et le nombre de traitements par exemple, en minimisant les coûts. Sans oublier que cela évite aussi à l’agriculteur de se rendre systématiquement sur ses parcelles pour vérifier leur état, par tous les temps, et sans rien oublier.

Toujours plus d’applications

Les applications nouvelles se créent dans tous les domaines au niveau mondial, et les agriculteurs disposent des leurs. Les entreprises naissantes impliquées dans le domaine de l’agriculture disposent elles aussi d’incubateurs et accélérateurs spécifiques dans toute la France comme celui d’EuraTechnologies dans le Nord, dénommée AgTech, ou de Châteaudun, le campus « Les champs du possible ».

Une mise en réseau essentielle

Dans ce type de structures, l’une des missions principales est de mettre en contact les différentes parties prenantes avec le créateur d’entreprise afin qu’il puisse définir son projet lié à l’agriculture connectée en toute connaissance de cause. Agriculteurs, chercheurs, chambres d’agriculture, universités, laboratoires, constructeurs d’équipements agricoles peuvent ainsi discuter de l’intérêt d’un projet, l’aider à se concrétiser de façon à ce que son offre corresponde le plus possible aux besoins des futurs utilisateurs et clients. Ils proposent une mise en réseau permettant parfois de trouver des partenaires, voire des associés et actionnaires.

Deux start-ups en plein essor

Parmi les projets en cours, les entreprises ci-dessous sont emblématiques, car elles travaillent sur une offre aujourd’hui très en demande des structures agricoles. La concurrence y est d’ailleurs vive.

Samsys déborde d’idées

L’équipe développe un boîtier connecté et autonome pour les machines agricoles permettant non seulement de suivre les différentes interventions en détail en intégrant les pauses, les surfaces travaillées, mais aussi la consommation par hectare et kilomètre, avec des graphiques clairs, un vrai tableau de bord afin de devenir gestionnaire de son travail et gagner en productivité.

D’autres services complémentaires sont proposés, tels que les facturations en fin de travail (en particulier pour les CUMA, cf. encadré), le décompte des parcelles afin de ne pas en omettre, le suivi des données dans le temps, le suivi de la pression des pneumatiques d’engins en temps réel… Bref, des services sur mesure en fonction des demandes du client avec un paiement par abonnement annuel et l’achat du compteur.

Olivier Guille, fils d’agriculteurs, Romain Tribout et Jonathan Lomel ont créé ensemble Samsys (Sustainable Agriculture Machine SYStem) en 2017. Tous trois se sont connus pendant leurs études d’ingénieurs et ont cherché le moyen d’optimiser les charges des agriculteurs, notamment en travaillant sur le partage des machines agricoles au sein des coopératives.

Leur projet s’est fait au départ en examinant les comptes des parents d’Olivier, en examinant les coûts principaux pour parvenir à un projet connecté basé sur une réalité après cinq années d’expérience dans différentes entreprises. Ces trois passionnés de technique ont de nombreuses idées dans leur sac à malice à base de big data, robotique et autres blockchain. A suivre donc, car ils sont prometteurs.

Sencrop se déploie au niveau européen

La start-up se positionne sur l’internet des objets. Grâce aux stations agro-météo connectées de Sencrop, l’agriculteur peut avoir en temps réel des données extrêmement précises en matière de température, d’hygrométrie, de pluviométrie, ou de vitesse du vent en consultant simplement les applications alimentées par les capteurs installés sur l’exploitation. Ces capteurs sont personnalisables en fonction du profil du client et ultra-localisées, permettant de déclencher des alertes telles que le démarrage d’un système antigel par exemple.

L’entreprise commercialise son offre dans une dizaine de pays auprès de milliers de clients qui veulent pouvoir programmer leurs actions de la façon la plus utile possible à la fois pour leurs plantes, la plus économique pour leur exploitation, et pour parvenir à un meilleur bilan environnemental. Pour poursuivre son développement, la société lilloise a déjà levé des fonds, une première fois 1,4 million d’euros et, début 2019, quelques 10 millions de dollars avec l’entrée au capital de Bpifrance et du fonds nord-américain, Yield Lab.

Elle emploie 40 salariés au total et poursuit ses recrutements. Une belle réussite pour Martin Ducroquet, issu d’une famille d’agriculteurs, et Michael Bruniaux, pro du digital, les deux co-fondateurs qui ont cru en leur projet et l’ont lancé il y a quatre ans. Ils reconnaissent tous deux que le fait d’avoir été hébergés dans un incubateur a été un véritable facteur d’accélération, car cela a permis de les faire connaître du monde agricole, les a mis en rapport avec Le Village by CA, sans oublier que les deux jeunes hommes s’y sont rencontrés avant de s’associer. Sencrop a reçu plusieurs récompenses, dont le SIVAL d’argent à Angers pour leur nouveau capteur dédié à la viticulture et l’arboriculture. Les deux associés ont de grandes ambitions : devenir le leader référent européen de la donnée agricole d’ici à 2022.

Vers une agriculture de précision

L’agriculture se doit d’être connectée, pour les grandes exploitations comme pour les moins grandes. L’exception que peuvent constituer quelques artisans ne fait pas une norme. Le biologique a également tout intérêt à surveiller ses plantes au plus près face aux possibles attaques de maladies toujours présentes et à une climatologie bouleversée. Terminé le temps où le GPS installé sur une machine était considéré comme le nec plus ultra. Aujourd’hui, la connexion va beaucoup plus loin, et ses progrès sont constants.

Cette agriculture de précision et de réseau permet également d’aborder plus facilement la notion de filière ainsi que le contact direct du producteur au consommateur, mais cela requiert déjà et de plus en plus des formations nombreuses et efficaces auprès de la profession agricole.

V.D.


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