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Interview

Didier Lepelletier (HCSP) : à partir du collège, « il faut mettre le masque sans se dispenser de la distance physique »

Après le durcissement des règles sanitaires pour les entreprises, le coprésident du groupe de travail permanent Covid-19 du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), Didier Lepelletier, insiste sur la combinaison du port du masque et du respect des distances dans les établissements scolaires. Avec le risque de ne pas pouvoir accueillir tous les élèves, faute de place.

« En cette période où on ne sait pas ce qui va se passer, il faut se baser sur les deux règles : mettre le masque sans se dispenser de la distance physique. Il faut faire les deux, pas pour toute l'année, mais pour cette rentrée qui est une phase critique où tout le monde va se retrouver », estime Didier Lepelletier.
« En cette période où on ne sait pas ce qui va se passer, il faut se baser sur les deux règles : mettre le masque sans se dispenser de la distance physique. Il faut faire les deux, pas pour toute l'année, mais pour cette rentrée qui est une phase critique où tout le monde va se retrouver », estime Didier Lepelletier. (Philippe Dannic/SIPA)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 19 août 2020 à 14:28Mis à jour le 19 août 2020 à 17:25

Le port systématique du masque et le respect de la distanciation physique sont désormais requis dans les entreprises. Ces mêmes règles doivent-elles s'appliquer aux établissements scolaires ?

ll n'existe aucun élément scientifique indiquant que nous pouvons nous passer de l'une ou de l'autre. En cette période où les voyants sont au rouge , il faut associer ces deux mesures parce que l'une sans l'autre, elles n'ont pas de sens. L'école est un lieu propice à la diffusion du virus, l'université et l'entreprise aussi. Nous avons été saisis pour avis par le ministère de l'Enseignement supérieur et nous le serons probablement par l'Education nationale.

Vos recommandations de début juillet, peu contraignantes, ne sont donc plus d'actualité…

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Le ministère de l'Education nationale nous a sollicités fin juin pour émettre des recommandations sanitaires pour la rentrée car les établissements scolaires devaient établir leur calendrier de reprise avant le 15 juillet. Lorsque nous avons rendu notre avis le 7 juillet, l'épidémiologie était excessivement favorable : tous les patients sortaient de l'hôpital et le virus ne circulait plus. A l'époque, j'ai dit que je n'avais pas de boule de cristal sur ce qui allait se passer en septembre, mais nous avons été pressés pour nous prononcer.

Entre-temps, avec l'été, les Français ont retrouvé la joie de vivre et les vacances et la rentrée implique un grand risque de reprise de la circulation du virus. Aux regroupements familiaux et de vacances vont succéder ceux à l'école, à l'université, dans des lieux sociaux, culturels et en entreprise.

Le port du masque doit-il être obligatoire pour tous les élèves ?

Le port du masque avant la 6e n'est pas utile. Mais au-delà de la 6e, bien évidemment. Collégiens et lycéens peuvent être porteurs et fréquenter des gens vulnérables. Les plus petits - les enfants de moins de cinq ans - transmettent peu le virus.

Cela dit, le masque seul n'est pas suffisant. On ne peut pas se passer de la distance physique : d'abord parce que les masques ne sont pas filtrants à 100 %, ensuite parce qu'ils sont mal portés, enfin parce qu'un élève ou un étudiant peut avoir envie d'enlever son masque parce qu'il lui gratte, qu'il a envie de boire, etc. Cela ne veut pas dire que le masque ne marche pas. Mais, en cette période où on ne sait pas ce qui va se passer, il faut se baser sur les deux règles : mettre le masque sans se dispenser de la distance physique. Il faut faire les deux, pas pour toute l'année, mais pour cette rentrée qui est une phase critique où tout le monde va se retrouver.

Avec le risque que tous les élèves ne puissent pas être accueillis dans les écoles, faute de place ?

Une université peut décider de ne pas remplir un amphithéâtre et organiser des cours à distance. Respecter les règles de distanciation dans une petite classe qui accueille 35 élèves de 6e ou 5e, c'est effectivement une équation difficile.

Il y a deux données qui s'entrechoquent : la sécurité sanitaire et la capacité d'accueil de tous. Si vous mettez tous les élèves dans une classe, même avec un masque, cela n'est pas suffisant. Vous allez donc avoir des parents d'élèves et des enseignants qui vont dire qu'ils ne se sentent pas en sécurité. D'autres vont dire que l'application des règles de distance risque de conduire à laisser des élèves en dehors de la classe, faute de place. Les deux discours sont vrais.

Quelles règles édicter, alors ?

L'Education nationale ne peut pas édicter 36 règles qui correspondraient à 36 tailles d'établissements. Si elle impose le masque pour tout le monde et qu'elle demande d'appliquer les règles de distance si possible, alors certains responsables d'établissements scolaires n'opteront que pour le masque… c'est là que l'Education nationale est coincée.

Ce que je souhaiterais, c'est qu'il y ait des discussions pour que chaque responsable d'établissement adapte les mesures à l'échelle de son établissement. Mais il y aura quand même des endroits où les classes seront trop petites par rapport au nombre d'élèves.

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Faut-il revenir à la règle des 4 m2 par élève, qui avait conduit les chefs d'établissement à ne pouvoir accueillir que 50 % des effectifs ?

Dans notre avis du 7 juillet, nous avions indiqué qu'au lieu de respecter les 4 m2 - c'est-à-dire un mètre de distance sur tous les points cardinaux -, on pouvait resserrer les rangs des élèves de manière verticale et ne respecter la distance d'un mètre que latéralement. Si un enfant est porteur du virus mais qu'il porte un masque, la probabilité de transmission à l'élève qui est devant lui est faible. Alors que la contamination de celui qui est à côté de lui, avec le masque qui baille, est plus facile.

L'équation est compliquée. Mais j'ai confiance dans l'originalité et l'intelligence des directeurs d'école et chefs d'établissement. Il y aura des situations où les classes seront trop petites et où il n'y aura peut-être pas de solution, mais il ne faut pas donner l'impression que rien n'est possible.

Les brassages d'élèves sont-ils envisageables, dans ces conditions ?

On peut minimiser le risque en faisant porter le masque systématiquement dans les déplacements entre les classes, sans l'enlever donc, avec les règles d'hygiène des mains. En résumé, il faut porter un masque et s'éloigner les uns des autres. Ce sera pareil dans la file d'attente pour aller à la bibliothèque, à la cantine, etc.

Didier Lepelletier est médecin hygiéniste et de santé publique, chef du service de bactériologie-hygiène hospitalière du Centre hospitalier universitaire de Nantes. Il est copréside le groupe de travail permanent Covid-19 du Haut Conseil de la santé publique (HCSP).

Marie-Christine Corbier

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