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Vacances apprenantes : «J’ai une bonne connexion internet mais je préfère venir au lycée, on se concentre mieux»

Au lycée professionnel Antonin-Carême, à Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne), les élèves ont pu bénéficier d’ateliers théâtre et de cours de remise à niveau pendant les congés d’été.
par Fanny Guyomard
publié le 25 août 2020 à 19h16

En cette fin août, le CDI du lycée professionnel de Savigny-le-Temple, en Seine-et-Marne, où le silence est habituellement la règle, s'est transformé en studieuse piste de danse. Studieuse, car une quinzaine d'élèves, en «vacances apprenantes», participent cet après-midi à un atelier théâtre où ils apprennent à écouter, observer et extérioriser leurs sentiments à propos des huit semaines du printemps où ils sont restés confinés chez eux. Sous la voix de Beyoncé, choisie par un de leurs camarades, les ados marchent dans la salle en jouant une émotion choisie par une comédienne professionnelle. L'un d'eux doit s'arrêter, toucher un autre élève et clamer «Moi pendant le confinement je…» - «M'ennuyais !» complète un camarade. «J'avais très peur», propose une autre. «Voulais sortir !» affirme Ruben, au bandana rouge. «Depuis le confinement, je veux faire le plus d'activités possible. Le lycée me manquait, les amis, et même les profs», admet le jeune homme qui va entrer en première, section commerce.

Consolider avant la rentrée

La veille, les volontaires ont eu un cours de soutien scolaire, parce que l'école à distance n'a pas toujours été évidente. «On nous a donné une tablette. J'ai une bonne connexion internet mais je préfère venir au lycée, on se concentre mieux», glisse Diana. Cet été, sa famille de cinq enfants devait partir en Italie, mais la crise sanitaire a bouleversé les plans. Pour ces vacanciers en manque d'école, ou élèves en manque de divertissement, le lycée Antonin-Carême de Savigny-le-Temple a même ouvert ses portes à ceux qui ont eu leur bac mais veulent consolider leurs connaissances avant la rentrée universitaire. Il accueille aussi des jeunes de communes alentour, comme Caleb, 16 ans, arrivé du Congo il y a quelques mois. Le jeune homme au français encore hésitant reconnaît n'avoir pas beaucoup suivi les cours pendant le confinement.

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C'est sur cette période difficile, où chacun était tenu de ne pas sortir, que le lycée a voulu revenir pour sa première participation aux vacances apprenantes. Pendant que certains élèves font du théâtre, une poignée d'autres volontaires participent à l'atelier psychosocial, où un infirmier répond à leurs questions sur le Covid-19. Ensuite, avec leur enseignante prévention-santé-environnement et deux étudiants en médecine, le petit groupe inspecte la quantité de sucres des boîtes à gâteaux disposées sur une table. «Pendant le confinement, on passait notre temps à manger de ça», indique une élève tout en disposant à côté d'un paquet de biscuits cinq grammes de carrés de sucre. Des maths : combien de carrés as-tu avalés après avoir mangé un paquet ? Cinq. Et pour cet autre paquet ? Huit. «Waouh, c'est pour ça qu'on grossit ! Je vais peut-être en manger moins…» s'effraie une ado.

Code de la route

Les élèves sont impliqués, grâce aux petits effectifs et à l'ambiance conviviale. Les enseignants jouent même les élèves, en participant par exemple à une impro théâtrale où le lycéen imite le parent pendant le confinement et le prof interprète l'ado qui rechigne à faire ses devoirs… Les étudiants de prépa et de médecine, des volontaires venus épauler les enseignants de l'établissement, donnent aussi une saveur extrascolaire aux cours. «On est de la même génération, on se comprend, parce que le français des profs, parfois…» glisse Aminata, qui entre en BTS restauration. Elle profite des vacances apprenantes pour découvrir de nouvelles activités - «le théâtre, j'en ai jamais fait et c'est pas trop mon délire, mais j'essaye !» - et rattraper des lacunes : «Au cours de soutien j'ai fait des exercices de 3e que je ne maîtrisais pas, c'est pas normal. En même temps, en cours, je passais plus de temps à bavarder et à m'engueuler avec les profs», regrette un peu la rebelle. Elle a hâte d'apprendre, toujours en cette pause scolaire estivale, le code de la route en ligne, grâce au logiciel que le lycée a acheté avec une enveloppe attribuée par le rectorat, qui permet aussi de rétribuer les professeurs des vacances apprenantes. Pour l'occasion, la Région a également versé 20 000 euros au lycée, qui a engagé deux troupes de théâtre, organisé deux escape games [un type de jeu en immersion dans une pièce dont il faut s'échapper en un temps limité en résolvant des énigmes, ndlr] et une sortie à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris, repas et transports compris. Les élèves de toutes les filières profitent aussi des locaux des bac pro restauration pour jouer les marmitons. Qui a dit que les cours n'étaient pas amusants ?

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