Voix d’orientation. Thibaut Poirot, professeur d’histoire de 32 ans, raconte au Monde Campus son parcours d’études supérieures, de son lycée de Champagne à l’ENS de Lyon en passant par une classe préparatoire littéraire à Henri-IV.
Je viens d’une classe moyenne française typique, en Champagne. Mon père est ambulancier, ma mère infirmière. Personne n’avait fait d’études supérieures avant ma génération. J’étais destiné à aller dans mon lycée de secteur, mais il n’avait pas de filière littéraire, alors que je rêvais depuis des années de devenir professeur d’histoire. Grâce à mon option latin, j’ai obtenu une dérogation qui m’a fait atterrir dans le lycée de centre-ville. Là-bas, des concours de circonstances m’ont ouvert des horizons que je n’aurais jamais pu soupçonner.
D’abord, ce professeur d’histoire qui, un jour, m’a dit qu’il souhaitait m’inscrire au concours général dans sa matière. Je ne savais alors pas bien de quoi il parlait ; Internet m’a appris que seule une poignée de lycéens choisis par leur établissement y participaient, c’était déjà une récompense en soi. Je n’avais pourtant pas reçu de grosse préparation, comme dans les grands lycées parisiens. Je me rends donc à l’épreuve en me disant « fais ce que tu peux ». Quand arrive juillet, je découvre que j’ai décroché une mention.
Système et hiérarchies
Je suis surpris. J’ai toujours été bon élève, mais je me rends compte que je pourrais avoir quelques capacités. Ce concours est un déclic : et s’il existait un parcours qui sortirait de la voie tracée d’avance pour aboutir au métier que je vise ? Dans ma famille, personne n’a jamais entendu parler de classe prépa. Je crois pourtant me souvenir avoir croisé le terme de « normalien » dans un bouquin. Je cherche sur Google et découvre l’Ecole normale supérieure (ENS). C’est formidable, cette belle école toute en pierre, où vous êtes payé pour suivre vos études !
Le site est si beau, si limpide, cela me semble, dans toute ma naïveté, très accessible. Pour l’intégrer, je compte alors candidater à une classe prépa près de chez moi, ne comprenant absolument pas le système et ses hiérarchies. Mais, en début de terminale, mon professeur de philo, Philippe Comby, me lance : « Non, M. Poirot, vous allez faire un dossier pour Henri-IV. » Lui-même était normalien, et il était passé par cette grande prépa parisienne. Ce fut ma chance : une personne qui connaît pleinement le système, et qui me prend par la main.
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