Alors que les sécateurs s’activent dans les vignes, le verdict est tombé. Le prix du raisin récolté cette année dans la prestigieuse appellation champenoise est en baisse. Le groupe de luxe LVMH, acteur dominant avec ses marques Moët & Chandon, Veuve Clicquot, Ruinart ou encore Mercier, a donné le ton. Son prix d’achat des grappes de pinot noir, meunier et chardonnay, les trois cépages emblématiques du champagne, est en retrait de 15 à 25 centimes le kilo. Une véritable rupture dans une stratégie qui poussait jusqu’alors le curseur chaque année un peu plus haut.
Ce reflux du prix du raisin est un signe de la crise sans précédent que traverse le champagne, dont le marché s’est brusquement contracté avec la crise du Covid-19. Un autre indicateur, plus douloureux encore pour les vignerons, l’illustre. Le rendement autorisé en 2020 a été amputé de 20 % par rapport à l’année précédente. Chaque vigne champenoise ne pourra donc pas donner plus de 8 000 kg de fruits à l’hectare, à comparer aux 10 200 tonnes récoltées en 2019.
Accord inédit
La fixation de ce chiffre a donné lieu à des discussions houleuses, témoignant des tensions suscitées par cette tempête soudaine qui frappe le vignoble le plus septentrional de l’Hexagone. Habitués au consensus, vignerons et maisons de négoce n’ont pas réussi à trouver de terrain d’entente le 22 juillet. Il a fallu attendre le 18 août, alors que les vendanges, historiquement précoces, débutaient, pour qu’un accord soit adopté. Et l’accord lui-même est inédit.
« Considérant les incertitudes qui pèsent sur la filière, les Champenois ont adapté les modalités de tirage et de paiement de cette vendange en fonction des performances qui seront constatées sur les marchés en 2020 », a précisé le comité Champagne, qui réunit vignerons et négociants, à l’issue de la rencontre décisive.
Plus précisément, le paiement n’est garanti que pour 7 000 kg à l’hectare, soit un volume de vente de bouteilles estimé par les négociants à 200 millions en 2020. Rendez-vous est pris en janvier 2021 pour évaluer les résultats commerciaux et statuer sur le reste de la vendange, qui pourrait n’être payée aux vignerons qu’un an plus tard.
Un tiers des ventes en moins
« Il était très difficile cette année de fixer un rendement, établi habituellement sur le nombre de bouteilles vendues jusqu’en juillet, sur les prévisions de vente pour l’année et sur le niveau des stocks », explique Maxime Toubart, président du Syndicat général des vignerons (SGV) de la Champagne. La pandémie mondiale dûe au coronavirus a plongé le vignoble dans la crise. « Nous avons perdu 45 millions de bouteilles à date, ce qui représente un tiers des ventes en moins », souligne M. Toubart. Et difficile dans les conditions actuelles de faire des prévisions.
Il vous reste 41.57% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.