Rentrée scolaire : l’intenable promesse d’Emmanuel Macron aux élèves handicapés

Publié le 31 août 2020 par Franck Seuret
Trop d'enfants sont encore scolarisés à temps partiel ou dans un dispositif ne correspondant pas à leurs besoins.© Unapei

Le président de la République s’est engagé à ce que tous les élèves handicapés soient scolarisés à la rentrée 2020. Les moyens augmentent, mais ils ne sont pas encore à la hauteur des besoins. Quant au maintien dans la précarité des AESH, il fragilise l’école inclusive. Et la crise sanitaire n’a rien à voir à l’affaire.

« Aucun enfant sans solution de scolarisation au mois de septembre. » C’est Emmanuel Macron lui-même qui a fixé cet « objectif » pour la rentrée 2020/2021. C’était le 11 février 2020, à la conférence nationale du handicap (CNH). Selon lui, ils étaient 8 000 à être privés d’école, il y a an. L’objectif est totalement légitime mais semble inatteignable, dans l’immédiat, au vu des difficultés récurrentes que rencontrent, chaque année, les parents d’enfants en situation de handicap.

Davantage d’Ulis et de Sessad

Les Ulis accueillent des enfants handicapés au sein des écoles ordinaires.

Certes, l’Éducation nationale continue à déployer des dispositifs favorisant l’inclusion scolaire. Le ministère annonce l’ouverture de 350 nouvelles Ulis, ces classes adaptées pour des enfants handicapés au sein des établissements ordinaires. Dont 205 en collège.

Les Sessad, services qui assurent un accompagnement médico-éducatif dans les écoles ou à domicile, ont vu leur nombre augmenter d’un tiers depuis janvier 2018, à en croire le secrétariat d’État chargé des personnes handicapées.

237 millions de plus en 2020 pour l’inclusion scolaire

« Il y a une vraie volonté politique qui se traduit par une augmentation des moyens même si cela ne suffit pas encore à couvrir l’intégralité des besoins », analyse Bénédicte Kail, conseillère nationale éducation familles à APF France handicap.

Selon le ministère de l’Éducation nationale, l’inclusion des 385 000 élèves en situation de handicap attendus, de la maternelle au lycée, bénéficie de 237 millions d’euros supplémentaires en 2020.

Six ans de CDD avant un CDI

Une partie est consacrée au recrutement d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). 8 000 postes équivalent temps plein vont être créés le 1er septembre 2020, assure le gouvernement.

Mais la question de l’accompagnement ne se limite pas au nombre d’AESH. Elle recouvre aussi les conditions dans lesquelles ils exercent. La réforme menée en 2019 n’a pas réglé le problème de la précarité de ces quelque 100 000 professionnels. Ils doivent enchaîner deux CDD de trois années pour espérer bénéficier d’un CDI. Surtout, les contrats, rémunérés au minimum, sont presque tous à temps partiel.

« Payé au Smic pour 22 heures 15 de travail, ça ne marche pas. »

Emmanuel Macron a clôturé la Conférence nationale du handicap, en février 2020.

« On a encore sur trop de territoires des accompagnants qui ont des contrats à temps partiel (…). Payé au Smic, pour 22 heurs 15 de travail, ça ne marche pas », a reconnu dans son discours de clôture de la Conférence nationale du handicap, le président de la République. C’était il y a bientôt sept mois. Depuis, rien n’a changé.

Selon Jérôme Antoine, du Collectif AESH Île-de-France, la situation s’est même dégradée. « En Seine-et-Marne, tous les nouveaux contrats sont à 57 %, soit 21 heures. Alors que les anciens étaient à 75 %, soit 29 heures. »

Les Pial inquiètent

La conséquence, selon lui, de la mise en œuvre des Pôles inclusifs d’accompagnement localisé. Ces Pial coordonnent les AESH en les affectant auprès de tel ou tel élève, à l’échelle de plusieurs établissements.

« Cette mutualisation se fait au détriment des élèves et des AESH », déplore-t-il. Une critique qui rejoint celles formulées par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’école inclusive, dans son rapport en octobre 2019, et dont Faire-face.fr avait rendu compte.

Macron veut élargir les missions des AESH

Pour Emmanuel Macron, il faut donc « travailler à la stabilisation de ces personnes, c’est-à-dire à des contrats plus durables dans l’Éducation nationale et un travail avec tous les autres employeurs pour qu’on leur donne au moins 35 heures de travail ». En clair, les AESH accompagneraient, en plus, les enfants handicapés à la garderie du soir, au centre de loisirs le mercredi et durant les vacances.

Les syndicats réclament un corps de fonctionnaires

Mais l’intersyndicale éducation affiche un front commun contre une telle évolution. « On nous propose de cumuler des contrats précaires avec différents employeurs, réfute Hélène Élouard, représentant du collectif AESH national CGT éducation. Nous, ce qu’on demande, c’est la création d’un corps de fonctionnaires correspondant aux besoins permanents indispensables au bon fonctionnement du service public d’éducation. »

Trop de scolarisations inadaptées

Sur marentree.org, l’Unapei récolte les témoignages de parents confrontés à des difficultés pour la rentrée.

En attendant, la rentrée 2020 s’annonce encore galère pour de nombreux parents d’enfants handicapés. Tant que l’accompagnement reposera sur des emplois précaires, l’Éducation nationale aura du mal à ce que tous les AESH nécessaires soient à leur poste le jour J.

Et puis, trop d’enfants sont encore scolarisés à temps partiel. Ou dans un dispositif ne correspondant pas à leurs besoins (en Ulis faute de place en institut médico-éducatif, par exemple).

« Tous les enfants doivent disposer d’un accompagnement adapté à leurs besoins », martèle l’Unapei qui recueille les témoignages de parents sur marentree.org. Aucun enfant sans solution, d’accord, mais pas une solution par défaut.

Une commission pour les sans-solution

C’est une nouveauté de la rentrée. Dans chaque département, le ministère s’est engagé à mettre en place une commission spécifique chargée de proposer une solution de scolarisation à chaque élève qui n’en aurait pas. Elle réunira les acteurs de la scolarisation : Éducation nationale, établissements et services médico-sociaux…  Elle était censée « repérer en amont de la rentrée les élèves sans affectation ».

Comment 4 commentaires

Une personne handicapée doit faire face toute sa vie aux manquements de l’éducation nationale qui n’a jamais voulu les prendre en considération ! Il est temps de mettre en place une éducation de qualité pour les handicapés, enfants comme adultes ! Une formation à vie pour permettre une inclusion dans tous les domaines.

Bonjour, Apolline a 6 ans et 9 mois. A ce jour, elle n’est toujours pas scolarisée et aucun soutien physique de la part des différents organismes. La liste d’attente…nous commençons à bien connaître ce terme. Il y a des effets d’annonces mais lorsque vous regardez en détail, vous constatez que vous n’avez pas beaucoup de points exploitables caf il y a toujours un critère qui vous empêche l’accès.
Pour avoir pris le sujet depuis quelques temps, il y a beaucoup de paroles mais très peu d’actes. J’ai une motivation énorme pour essayer de faire bouger certaines choses.
J’ai écrit au département, à la région et même à l’Élysée. Rien n’y fait !!!!
Je suis juste un parent qui se bat pour les droits de sa fille et surtout d’améliorer le mieux possible son confort.
Bien amicalement.
Stéphane

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