Publicité

De Rennes à Lille, des néovignerons réactivent les terroirs oubliés

Dans le quart nord-ouest de l'Hexagone, de nouveaux exploitants profitent de l'assouplissement des droits de plantation de la vigne pour relancer des terroirs historiques, mais oubliés. Un renouveau viticole encore en quête d'un modèle économique durable.

Les vignes de Suresnes, près de Paris, produisent 4.000 bouteilles par an.
Les vignes de Suresnes, près de Paris, produisent 4.000 bouteilles par an. (DR)

Par Guillaume Roussange

Publié le 2 sept. 2020 à 07:48

A une heure et quart du périphérique parisien, les premiers raisins du Clos Ferout ont fini de mûrir sous le soleil du Vexin français. Certes, les vignes plantées en 2017 ne permettront pas cette année une récolte importante. Bruno Lafont, le propriétaire des lieux, devra encore patienter avant de réaliser la vendange de ses rêves, dont il pourra espérer tirer 35 et 45 hectolitres. Soit 5.000 bouteilles de vin biologique, commercialisées en direct ou via les enseignes de distribution spécialisées.

Comme cet ancien cadre en marketing, ils sont désormais plus d'une centaine à profiter, depuis quatre ans, de l'assouplissement de la réglementation européenne pour faire renaître, dans un quart nord-ouest du pays, des vignes en dehors des grandes zones de production. « N'oublions pas que l'Ile-de-France a été la première zone viticole de l'Hexagone, avant de péricliter à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle. De cette richesse ne subsistaient plus qu'une centaine hectares de vignes et une production marginale », rappelle Patrice Bersac, président du Syndicat des vignerons d'Ile-de-France. En février dernier, les vignerons franciliens ont obtenu une IGP de la part de l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao). Celle-ci fixe les conditions strictes de la production, garantissant ainsi la qualité des vins produits dans le périmètre retenu.

Nouveaux terroirs

Reste à savoir si le modèle économique développé par ces vignerons sera pérenne. Entre les terres et le matériel, la facture d'installation peut vite grimper en flèche. Ainsi, pour son seul chai, Bruno Lafont a dû investir 50.000 euros financés via un financement participatif, qui a permis de réunir 100.000 euros au total. Des coûts qui, conjugués à une production limitée, engendrent de facto des prix de ventes élevés : entre 20 et 30 euros prévus pour un Clos Ferout, une quinzaine d'euros pour un vin des coteaux de Suresnes.

Publicité

Face au risque financier, d'autres exploitants déjà spécialisés en grandes cultures choisissent de se limiter au rôle de négociant. Leur raisin alors est vendu à des entreprises spécialisées, comme la Winerie parisienne , qui assurent la vinification et la valorisation marketing des produits auprès d'un consommateur toujours avide de terroir et d'authenticité. « Les sols et le climat d'Ile-de-France permettent d'obtenir des vins fruités légers, très aromatiques et moins alcoolisés. En un mot, en phase avec les goûts des consommateurs urbains ou néoruraux », souligne Cécilia Galaret, oenologue indépendante. « Sur le plan marketing, le modèle de ces vignerons peut être redoutablement efficace. S'ils trouvent leur modèle économique, ils pourront sans doute s'imposer dans cet immense marché de Paris aux Hauts-de-France. Aux Etats-Unis, les distilleries artisanales ont montré qu'une rupture de marché est possible », note quant à lui Jean-Marie Cardebat, professeur à l'université de Bordeaux et spécialiste de l'économie du vin.

Limites météorologiques

Cette nouvelle dynamique viticole dépasse largement la seule région parisienne. Dans les Hauts-de-France, un « Charbonnay » est depuis quelques années produit à partir de la terre pauvre des terrils d'Haillicourt, près de Béthune. Idem en Bretagne, où, à Quimper, Saint-Guénolé ou même sur l'île de Groix, on plante chardonnay, pinot noir et pinot gris pour produire du vin local.

A en croire les experts, les précipitations, plus fréquentes au nord de la Loire, pourraient toutefois doucher les espoirs de certains de néovignerons. « L'exemple anglais montre qu'il est difficile de bâtir un modèle économique sur des rendements trop variables. Il est clair que ces nouveaux acteurs ne pourront pas miser sur les volumes », tempère Martin Cubertafond, maître de conférences à Sciences Po, spécialiste de l'économie des vins effervescents. Le patron des vignerons franciliens n'espère pas dans un premier temps plus d'un millier d'hectares et 50.000 hectolitres, 1 % de la production du seul Bordelais.

Guillaume Roussange  (Correspondant à Amiens)

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité