A Saint-Cyr, le creuset des officiers de l’armée de terre française, une réforme profonde des formations démarre en cette rentrée 2020. L’état-major veut façonner autrement ses futurs cadres – 450 dans les promotions en cours. « Déficit d’épaisseur humaine », ont en effet tranché les généraux. La ministre des armées, Florence Parly, devait prendre la mesure de ce projet, lundi 7 septembre, lors d’une visite du campus des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, à Guer (Morbihan).
« Le diagnostic est celui d’un retard dans le domaine de la maturité, tant dans l’exercice de l’autorité que dans la prise en compte des enjeux sociétaux », indique un document de présentation de la réforme. Celle-ci vaut pour les trois filières – directe (entrée à 20 ans, après une classe préparatoire), interne (entrée de sous-officiers à 25 ans), et post-universitaire (entrée à 26 ans pour devenir officier sous contrat). Les futurs capitaines qui encadreront des soldats dans les régiments d’ici à 2030 expérimenteront dès cette année de nouveaux parcours. Le renouvellement sera complet en 2021.
Le chantier « ne veut pas dire que les officiers d’aujourd’hui sont mauvais », prévient le général Patrick Collet, commandant des écoles de Saint-Cyr. « Nous sommes très satisfaits d’eux sur nos théâtres d’opérations, et comme ancien chef de la 11e brigade parachutiste, j’affirme que la France a sans doute les officiers parmi les meilleurs du monde. » Mais il faut préparer les prochaines guerres, que l’on attend « plus dures ». La société change aussi. Les hiérarques militaires la jugent « immédiate », « individualiste », « cloisonnée ».
Plus de portable
Le nouveau mot d’ordre est partagé avec d’autres écoles d’officiers dans le monde, à commencer par la célèbre West Point américaine : il s’agit de « forger des caractères ». « La société française s’est éloignée du tragique et de l’histoire. Elle ne prépare pas ces jeunes aux responsabilités exorbitantes qu’ils auront à 25 ans, l’âge des premiers engagements opérationnels, des premiers morts. Nous devons les faire mûrir le plus vite possible », estime le général. C’est un détail, mais quand les élèves arrivent, on leur prend désormais leur téléphone portable.
Le sujet n’est donc pas celui des compétences – les aspirants deviennent vite de très bons techniciens de la manœuvre militaire. Ils devront développer des qualités choisies : « combativité », « autorité », « intelligence », « humanité ». C’est autour d’elles qu’une revue des copieux programmes actuels est engagée. « Je n’ai pas besoin de rajouter des heures de tir, mais d’élever les esprits », explique le général Collet. Les professeurs civils, surnommés les « rats », enseigneront désormais dans certains cours en binôme avec les instructeurs militaires.
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