En France, l'école s'ouvre enfin aux enfants polyhandicapés

1 enfant polyhandicapé sur 4 scolarisé, la plupart du temps en établissement médico-social. Pour "favoriser leur inclusion", une unité d'enseignement externalisée voit le jour au sein d'une école ordinaire de l'Essonne. Une 1ère en Ile-de-France !

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Ce 11 septembre 2020, l'école primaire Anne Frank des Molières, une petite bourgade de l'Essonne, fait salle comble. L'inauguration de sa nouvelle Unité d'enseignement externalisée polyhandicap (UEEP) est sur le point de débuter... Une première en Ile-de-France ! Six jeunes âgés de 6 à 11 ans, accueillis dans les structures spécialisées dirigées par l'association « Les Tout-petits », prennent aujourd'hui leur quartier dans leur nouvelle classe au milieu des 143 autres élèves. Alors que seul un enfant polyhandicapé sur quatre est scolarisé, jusqu'alors au sein des établissements médico-sociaux, ce dispositif a pour objectif de « favoriser une meilleure inclusion » de ces jeunes « invisibles » en milieu ordinaire, selon Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap. 

Le matin : école

Comment combiner la question du soin et celle de l'apprentissage dans un système dit 'ordinaire' ? C'est tout l'enjeu de ce projet qui vise à répondre aux besoins médicaux et éducatifs spécifiques des enfants avec un polyhandicap (qui associe une déficience motrice et une déficience intellectuelle sévère ou profonde, entraînant une restriction extrême de l'autonomie et des possibilités de perception, d'expression et de relation) grâce à la collaboration entre enseignants et professionnels médico-sociaux. Pour ce faire, leur planning se divise en deux temps. « Ils ont classe chaque matin, sauf le mercredi, à partir de 10 heures, la toilette matinale pouvant être chronophage », explique Sébastien Le Goff, directeur des « Tout-petits ». Ils sont encadrés par un enseignant et un éducateur spécialisés. « Deux enseignants, engagés à mi-temps, se partagent le poste. L'un est fourni par l'Education nationale, l'autre travaille au sein de notre établissement depuis trois ans et connaît donc parfaitement les enfants et leurs capacités », poursuit-il avant de rappeler : « Ici, on ne parle pas de niveaux, comme dans une école primaire classique, mais d'appropriation des apprentissages ».

L'après-midi : activités éducatives et soins

Ils déjeunent ensuite à la cantine en compagnie des autres élèves. « Les professionnels de notre établissement, qui se situe à deux minutes en voiture, se déplaceront pour les aider à manger », précise Sébastien Le Goff. D'autres temps d'échange sont prévus lors des activités périscolaires, notamment au sein de la médiathèque, mais qui seront mis en oeuvre progressivement. A terme, « l'idée est de construire un projet pédagogique qui inclut toutes les classes de l'école, y compris l'UEEP », envisage Sébastien Le Goff. L'après-midi, les enfants rejoignent leur établissement médico-social pour les activités éducatives et les soins quotidiens.

L'inclusion... mais pas à n'importe quel prix

Selon M. Le Goff, le premier pars vers l'« appropriation du système de droit commun » -qu'il préfère au terme d'inclusion car « ce n'est pas parce que ces enfants vont à l'école qu'ils sont inclus »-, passe indubitablement par la question de l'apprentissage. « C'est à l'école que l'on découvre la vie en collectivité, la diversité... », observe-t-il. Pour Sophie Cluzel, cette vie en collectivité offre la possibilité aux enfants « valides » « d'apprendre à porter un regard bienveillant sur la différence », explique-t-elle dans les colonnes du Parisien. Attention toutefois à « ne pas privilégier l'apprentissage aux dépens du bien-être de ces jeunes polyhandicapés », alerte Marie-Christine Tezenas, secrétaire générale du Groupe polyhandicap France.

Un dispositif salué malgré des inquiétudes

Si certaines familles ont décliné l'offre, de peur qu'elle ne soit pas encore suffisamment « adaptée », celles qui ont dit « oui » se réjouissent d'avoir trouvé une solution éducative cette année... « Tous les enfants accueillis actuellement ont eux aussi exprimé un vif un intérêt à l'égard de ce projet », assure Sébastien Le Goff. Autre mission majeure : sensibiliser les autres parents d'élèves de l'école. « Le dispositif a été très bien accueilli », se félicite son initiateur, n'évoquant « aucune réticence mais quelques inquiétudes de l'équipe pédagogique » qu'il a fallu convaincre des capacités d'apprentissage de ces enfants. Une situation, selon lui, révélatrice du manque de formation de ces professionnels, « pourtant en demande », au handicap, à l'heure où de plus en plus d'enfants concernés intègrent l'école ordinaire.

Un cahier des charges précis

Toutes les caractéristiques du fonctionnement de cette unité (public accueilli, organisation quotidienne, rôle et place des parents...) sont inscrites dans un cahier des charges national dédié. Elaboré notamment par le Groupe polyhandicap France et la Direction générale de la cohésion sociale, il a été rendu public le 10 septembre 2020. Cet outil vise à favoriser le développement des unités d'enseignement, faciliter la coopération des administrations locales (Agence régionale de santé (ARS), rectorat...) et adapter l'offre d'accompagnement médico-social. Il permettra également de « poursuivre les efforts d'adaptation des réponses aux élèves scolarisés ». « Nous officialisons, avec un cahier des charges très précis, ce dispositif apportant un cadre serein et constructif aux professionnels, aux parents et aux enfants », se félicite Sophie Cluzel, assurant qu'il sera « bien entendu déployé par étapes sur l'ensemble du territoire national ».

Des craintes matérielles et sociales

Si la majorité des acteurs salue une « initiative remarquable », certains émettent tout de même quelques réserves... financières, tout d'abord. Selon Sébastien Le Goff, il faut « urgemment » déployer des moyens humains et matériels supplémentaires pour que ce projet fonctionne. « Pour l'heure, nous avons, par exemple, acheté le matériel avec nos fonds propres alors qu'il s'agit en principe d'un budget ARS. Nous attendons donc de cette dernière qu'elle s'engage pour développer ce dispositif », estime-t-il. Quant à Marie-Christine Tezenas, même si elle reconnaît que ce projet est « magnifique », elle met en garde contre le « risque d'instrumentalisation ». « Ces enfants, pour certains assez lourdement handicapés, ont absolument besoin que l'on prenne en compte leurs besoins réels et ne doivent pas servir une éventuelle idéologie de l'Ecole inclusive à tout prix, dit-elle, car tous ne sont pas en mesure d'aller à l'école ordinaire… » Mais peut mieux faire ? Jusqu'à maintenant, il n'existait qu'une UEEP dans le Nord. Une autre devrait ouvrir à Paris en 2021.

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