La jeunesse : "Money to burn" ?

Les ministres Jean Casteix, Elisabeth Borne et Jean-Michel Blanquer en visite dans une usine de Besançon lors de l'annonce du "plan jeunes" le 23 juillet ©AFP - Sébastien Bozon
Les ministres Jean Casteix, Elisabeth Borne et Jean-Michel Blanquer en visite dans une usine de Besançon lors de l'annonce du "plan jeunes" le 23 juillet ©AFP - Sébastien Bozon
Les ministres Jean Casteix, Elisabeth Borne et Jean-Michel Blanquer en visite dans une usine de Besançon lors de l'annonce du "plan jeunes" le 23 juillet ©AFP - Sébastien Bozon
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Alors que le gouvernement se réjouit des bons chiffres de l’apprentissage, la situation de l’emploi des jeunes préoccupe les professionnels et les économistes… Particulièrement vulnérable dans la crise, la jeunesse sera-t-elle une « génération sacrifiée » ?

Fin juin, la Ministre du Travail Muriel Pénicaud appelait à "ne pas faire des jeunes une génération sacrifiée" . D’abord la jeunesse est au centre des effets les plus négatifs de la crise : fin de contrats courts, gel des embauches, faillites de PME, et plus d’une personne de moins de 25 ans sur 5 est de nouveau sans travail ; ensuite, même si l’activité reprend et que les dispositifs de maintien d’emploi ont enrayé le chômage, ils ont rigidifié le marché et ce que craint maintenant le gouvernement avec la rentrée, c’est la saturation. 

Le patronat s'inquiète également : le danger affirmait GR de Bézieux, ce ne sont pas les plans sociaux mais « la non embauche des 750 000 jeunes qui vont arriver sur le marché du travail», danger silencieux comme le Covid. Or, le retour de l’apprentissage à son niveau de 370 000 contrats comme en 2019, jugé« à notre portée » par Muriel Pénicaud ne suffira pas à combler la différence.  

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Plus encore, disent les spécialistes, en cas d’« embouteillage de profils juniors à l’automne », la sélection de la première embauche serait un accélérateur d’inégalités… L’Usine Nouvelle a déjà repéré un signe de tension : chez les développeurs, les freelanceurs les plus expérimentés se réfugient dans l’emploi salarié et prennent la place promise aux juniors. C’est la fin du « Golden Age » de l’informatique. 

Un plan anti-crise massif mais qui ne résoudra pas tous les problèmes 

Le gouvernement a déployé une véritable « opération jeune » : des déplorations de Muriel Pénicaud aux clins d’œil de Jean Casteix qui explique que c'est « la jeunesse qui morfle en premier », la petite recette des éléments de langage a été servie dans les grands plats. Sur la nappe : 6,5 milliards d'euros pour renforcer 5 types de contrats, des « métiers d’avenir » au Volontariat International, en passant par l’apprentissage ; et un dispositif inédit : une aide aux entreprises de 4000 € par an pour l’embauche des 18-25 ans, ce qui « couvre la quasi-totalité des recrutements » dit l’Usine Nouvelle…  

Mais si le plan a été globalement salué, certains chercheurs soulignent une vulnérabilité structurelle : « le taux de chômage des jeunes est celui qui réagi avec le plus d’amplitude aux cycles économiques » précise l’un deux ; et la France est le pays de l’OCDE qui recourt le plus aux CDD, 50 % de plus que la moyenne. Le risque à terme est un effet d’hystérèse - terme emprunté à la physique : que, même une fois la crise passée, les jeunes diplômés en peine d’embauche ne se retrouvent piégés dans la salle d’attente du chômage longue durée. 

Un rôle social des jeunes difficile à reconnaître dans le système actuel

La jeunesse est l'« angle mort de l’Etat Providence », dit une tribune de trois jeunes diplômés dans Le Monde ; ou plutôt conséquence perverse de l’Etat Social français : d’abord parce que la protection sociale est financée et organisé autour des salariés, son accès aux nouveaux diplômés est impossible ; ensuite - critique récurrente, parce que les dispositifs ciblés « jeunes » ne produisent pas forcément « l’effet macroéconomique maximal » et ils sont trop restrictifs. 

D’où un débat sur l’extension du RSA, jusqu’ici réservé aux plus de 25 ans : pour l’Etat, « les 18-25 ans sont encore des enfants », remarque avec amertume un chercheur. Ceci alors qu’un élargissement à cette tranche d’âge ans serait toujours moins coûteux que le CICE à 21 milliards d'euros ou le « plan jeunes ». Et l’on passerait de l’infantilisation économique à « la reconnaissance du statut de citoyen social ».   

La dette : menace ou bénédiction intergénérationnelle ? 

Les jeunes chercheurs multiplient les tribunes : Dans le monde ces mêmes chercheurs dénoncent une « injustice générationnelle ». Selon eux, c’est toute la sauvegarde des mécanismes de solidarité sociale depuis 1979 qui s’est faite au prix de l’augmentation constante de la dette publique. La « génération confinement » paiera une dette des « boomers » d’autant plus injuste que l’investissement public, lui, a diminué. 

Tous ne partagent pas ce point de vue : dans Les Echos, le jeune économiste Hugo Prod’homme renverse la perspective, insistant sur le rôle des baby boomers dans la construction de l’appareil de protection social français. Pour lui, ce sont « nous les jeunes qui devons une dette éternelle à nos aïeux ». 

Plus encore, l’idée d’une « injustice générationnelle » est une « pure construction intellectuelle », avance dans Le Monde un autre jeune diplômé, Kevan Raffi Khansari, qui souligne que « la moitié de la dette a - de 15 ans et elle a servi à préserver l’activité économique ».  

La "génération Covid" sera-t-elle aussi appellée « génération sacrifiée ? C’était le titre d’un film sur des jeunes noirs américains revenus de la guerre du Vietnam pour être plongés dans le chômage : « Ce que je pige pas », dit l’un d’eux, « c’est qu’y a plus aucun job nulle part et le gouvernement continue à balancer l’argent par les fenêtres ! » - « C’est comme ça qu’Oncle Sam te voit mon gars », répond l’autre : « de l’argent à dépenser. » 

XM

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