Outil de lutte contre la mal-information et les « fake news », ou instrument d’influence et de mise sous tutelle de l’information scientifique ? Aux côtés de décisions stratégiques pour les universités et les organismes de recherche, le projet de loi de programmation de la recherche (LPR) pour les années 2021 à 2030, présenté lundi 21 septembre à l’Assemblée nationale, prévoit la création d’une « Maison de la science et des médias » qui nourrit nombre d’interrogations.
A l’instar des Science Media Centres (SMC) créés ces dernières années au Royaume-Uni et ailleurs, cet organisme aurait pour vocation de « permettre la mise en contact rapide entre journalistes et chercheurs, favoriser l’accès des citoyens à une information scientifique fiable, et accroître l’apport d’éclairages scientifiques dans les débats publics sur les grands sujets actuels », selon les termes du projet de loi. « A l’heure où la société française est traversée par des courants d’irrationalité et de doutes sur les progrès et les connaissances, le gouvernement fait le choix d’inverser résolument la tendance », expose le projet. Et ce, afin de « replacer la science et la rationalité scientifique au cœur du pacte social et du développement économique du pays ».
L’inscription au projet de loi de cette initiative est le fruit d’une volonté du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche : aucun des rapports des trois groupes de travail ayant nourri le projet de loi ne suggère la création d’un SMC « à la française ». Interrogés par Le Monde, plusieurs de leurs membres assurent que c’est bien le ministère qui est à l’origine de cet ajout. Sollicité, le cabinet de la ministre n’a pas répondu à nos questions.
Contenus prêts à l’emploi sur l’actualité
Si l’instauration de cette « maison », bien anodine en apparence, pose question, c’est que le SMC britannique, sa source d’inspiration, a été la cible de nombreuses objections depuis sa création. Ouvert à Londres en 2002, il fonctionne comme une agence de communication spécialisée sur les sujets scientifiques et techniques : sur son site Web, il propose aux journalistes des résumés et des « kits de réactions rapides » (roundups & rapid reactions), c’est-à-dire des citations d’experts prêtes à l’emploi qui commentent l’actualité des publications et les controverses scientifiques du moment. Le SMC fournit également des dossiers thématiques clés en main, et organise des briefings dans ses locaux. Très pratique pour les journalistes peu spécialisés travaillant dans l’urgence.
Il vous reste 84.63% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.