Les nouvelles filières d’entrée dans les études de santé vont-elles faire évoluer les profils des futurs médecins ? Les chercheurs en éthique médicale l’espèrent. Inégalités sociales de santé, enjeux relationnels dans les décisions, suivi des maladies chroniques, éthique des rapports avec l’industrie pharmaceutique… « Ces questions nécessitent que le professionnel de santé se positionne comme un acteur informé et réfléchi. Ses connaissances biomédicales ne suffisent pas », souligne Céline Lefève, maîtresse de conférences en philosophie de la médecine à l’Université de Paris.
En Paces (l’ancienne première année commune aux études de santé), un enseignement de sciences humaines était dispensé, donnant lieu à la seule épreuve écrite rédactionnelle du concours. « Mais sur 37 facultés de médecine en 2019, 17 n’avaient pas d’enseignants en sciences humaines et sociales et s’en remettaient à des professeurs de médecine pour assurer le cours », nuance Céline Lefève. Les nouvelles voies d’accès vont permettre à des étudiants ayant suivi des « mineures » ou des « majeures » en sciences humaines (philosophie, lettres, histoire, psychologie, etc.) de poursuivre des études médicales.
Percevoir la médecine comme une pratique, et pas seulement un savoir, remet en question un modèle historique. « A partir des XIX et XXe siècles, on a peu à peu considéré que les humanités étaient non scientifiques, alors qu’elles sont indissociables de la science, relate Cynthia Fleury, professeure au Conservatoire national des arts et métiers, et titulaire de la chaire de philosophie à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris. Le positivisme scientifique et son héritière, l’evidence-based medicine [la médecine fondée sur les preuves provenant d’études cliniques systématiques], sont des conquêtes essentielles mais nullement suffisantes. Nous soignons des personnes malades, et non des maladies. »
La question du deuxième cycle
« Les maladies chroniques, la prise de décisions graves, ou même la consultation banale… au fond, toute la médecine suppose une compréhension complète de l’humain », observe Frédéric Worms, professeur de philosophie contemporaine à l’Ecole normale supérieure, et membre du Comité consultatif national d’éthique.
L’enjeu doit être de constituer « une population médicale davantage représentative des différentes orientations, avec des praticiens qui auront par exemple une appétence pour le droit et la bioéthique, d’autres pour les mathématiques et la modélisation des systèmes biologiques », ajoute Nathalie Nasr, neurologue et coordinatrice de l’enseignement de l’éthique des facultés de médecine de Toulouse.
Il vous reste 21.57% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.