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Université, grandes écoles: le Covid sème la confusion

La faculté des Sciences de Montpellier. Dans l’enseignement supérieur, les cours sont désorganisés dans une vingtaine de clusters déclarés. Nanda GONZAGUE/Divergence

Le milieu éducatif concentre un tiers des clusters. Les cours sont maintenus tant bien que mal mais la situation vire parfois à la grande pagaille.

Les établissements scolaires et universitaires sont-ils en passe de devenir les principaux foyers de l’épidémie de Covid? Selon des chiffres publiés par Santé publique France fin septembre, 32 % des clusters en cours d’investigation concernent le milieu éducatif. Ce qui le fait passer devant les entreprises, jusqu’alors premières concernées par le virus. Mais le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, se veut rassurant sur les écoles, collèges et lycées.

La contagiosité viendrait, selon lui, proportionnellement davantage de l’enseignement supérieur pour plusieurs raisons. Les enfants sont toujours considérés par les autorités sanitaires comme moins atteints et moins contagieux que les adultes. La tranche d’âge des 18-29 ans, à laquelle appartiennent les étudiants, est la plus touchée par le virus depuis cet été, ces derniers ayant notamment une vie sociale et festive particulièrement développée.

Ce ne sont pas des clusters par promotion mais des clusters par groupe d’amis. (…) Rien ne nous dit que les contaminations se font au sein des établissements.

La ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal.

Impossible de connaître le taux d’infection dans les universités avec précision, puisque Santé publique France englobe dans ses chiffres tous les élèves, de la maternelle à l’université. Mais dans l’enseignement supérieur, de Sciences Po Paris à HEC, en passant les universités de Nanterre, Poitiers, Montpellier ou Rennes, 25 établissements ou sites d’universités sont temporairement fermés. La ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, répète que les foyers de contamination étudiants ne se trouvent pas dans les universités: «Ce ne sont pas des clusters par promotion mais des clusters par groupe d’amis. (…) Rien ne nous dit que les contaminations se font au sein des établissements», affirmait-elle encore lundi soir sur Figaro live-LCP. Elle s’agace des «traditionnelles images de rentrée» qui circulent dans la presse, celles de «quelques amphithéâtres bondés en première année».

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Selon elle, le risque est «très probablement plus grand dans un bar, que dans des salles de cours où tout le monde est masqué». Une affirmation qui irrite Rodrigo Arenas, président de la FCPE, première fédération de parents d’élèves de l’enseignement public, marquée à gauche. Selon lui, ces propos «font diversion» pour camoufler le fait que les universités - malgré un budget en hausse, cette année - ne constitueraient pas une priorité du plan de relance. Il s’offusque par ailleurs qu’on «empêche les étudiants de vivre leur jeunesse. On la leur vole». Paul Mayaux, président de la Fage, première fédération étudiante, constate qu’«on a des amphis et des salles de TD pleines à craquer, sans respect des gestes barrières, ni des distanciations. Quand on est à 400 dans un amphi limité à 300, qu’on ne me dise pas que cela n’a aucun impact!».

L’enseignement dans les quelque 70 universités de France ressemble à un grand patchwork de solutions, de l’organisation rationnelle des enseignements, en tenant compte des contraintes sanitaires, à la grande pagaille. Le protocole impose les masques et les gestes barrières, mais pas la distanciation physique d’un mètre qui doit être «recherchée» «dans la mesure du possible». «Nous observons une grande variété de réponses d’une université à une autre, d’une formation à une autre, voire d’un prof à un autre», constate Franck Loureiro, au Sgen. Les équipes sont déstabilisées».

Amphis bondés

À Paris-Descartes, en sciences sociales, les étudiants de licence ont cours par demi-groupes une semaine sur deux. Le reste du temps, ils étudient seuls chez eux. À Nanterre, Paris-III ou Paul-Valéry Montpellier-III, ces cours en présentiel par alternance sont aussi devenus la règle. Depuis la multiplication des cas de Covid sur les campus, l’université Bordeaux-Montaigne a demandé à tous ses enseignants de passer les cours d’amphi en distanciel lorsque leurs effectifs dépassent 30 % de la capacité d’accueil. «Certains pointent une situation peu lisible. Mais le cadrage national fixé, assorti d’adaptations locales, est aujourd’hui l’outil le plus adapté à la situation», estime Olivier Laboux, vice-président de la Conférence des présidents d’université.

Ces derniers jours, les images d’amphis bondés ont largement alimenté les journaux télévisés. «Comme dans le métro», lâche Olivier Laboux, qui voudrait sortir de ce cliché. Les amphithéâtres universitaires ne sont pas tous saturés. Mais certaines formations le sont et ce n’est pas nouveau. Contrairement aux sciences dures, le droit, la psycho, la médecine et les Staps attirent trop de candidats au vu de leurs capacités d’accueil. Un phénomène amplifié par le boom démographique - 30 à 35.000 étudiants supplémentaires chaque année - et par le taux record de réussite au bac 2020. «Nous n’en sommes plus à dédoubler les cours, mais à chercher des places supplémentaires. Nous arrivons à la limite de l’exercice».

Le Covid vient aujourd’hui renforcer les difficultés conjoncturelles dans laquelle se trouve l’université depuis des années. Des locaux criants de vétusté, des inscriptions étudiantes plus que jamais kafkaïenne, et des ingénieurs pédagogiques qui manquent cruellement à l’appel pour mettre en place un enseignement à distance digne de ce nom.

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