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La suppression annoncée de l’instruction à domicile scandalise les familles

Afin d’enrayer la lente progression des déscolarisations, Emmanuel Macron a annoncé, vendredi, lors de son discours aux Mureaux, la fin prochaine de l’instruction scolaire à domicile, sauf justification médicale. Chloe Sharrock / Le Pictorium/Le Pictorium/Maxppp

Quelque 50.000 enfants sont actuellement scolarisés en famille, dont la moitié pour des raisons médicales.

C’est une annonce choc qui laisse les familles concernées furieuses. Parmi les mesures de la loi sur le séparatisme, figurera l’obligation de l’instruction à l’école, sauf exceptions. Ce choix national restrictif est déjà celui de l’Allemagne, de la Croatie, de la Grèce et de l’Espagne. La mesure concerne 50.000 enfants français actuellement instruits à domicile. Les malades ou handicapés, qui représentent la moitié de cet effectif, pourront poursuivre cette forme d’éducation. Comme les enfants de familles en itinérance et les sportifs de haut niveau, précise le ministère de l’Éducation. D’autres exceptions suivront-elles? Ce sera l’enjeu de débats, certainement acharnés, devant le Parlement.

Ce mode d’éducation marginal ne concerne que 0,4 % des 12,4 millions d’enfants d’âge scolaire mais il augmente régulièrement: 35.000 en 2017, 41.000 en 2019 et 50.000 en 2020. Le gouvernement suit avec attention ce mouvement et a exigé un renforcement des contrôles en 2019.

Coprésidente de l’association Laia, Alix Fourest, qui a scolarisé ses deux enfants à la maison, à Toulouse, s’étonne de la «radicalité de la mesure». «Nous savions qu’Emmanuel Macron allait parler de nous et nous attendions à un énième tour de vis. Mais une interdiction pure et simple, non!», s’étonne-t-elle. Elle estime qu’avec cette annonce, le président «écrase une mouche avec un marteau» car les familles qui font ce choix pour des raisons de séparatisme religieux sont «extrêmement minoritaires».

En février 2020, Jean-Michel Blanquer avait évoqué «de 2000 à 3000 situations de jeunes pouvant poser problème». Ces enfants déscolarisés «vont dans des structures nullement déclarées», a assuré Emmanuel Macron, «avec des femmes en niqab qui les accueillent, des prières, certains cours, voilà leur enseignement».

Présidente de l’association Créer son école, fine connaisseuse du milieu de l’enseignement libre, Anne Coffinier «attend de voir les textes»: «Enseigner à domicile ne sera plus un droit automatique. Il faudra se justifier. Mais ça risque de ressembler à une usine à gaz», pronostique-t-elle, anticipant une explosion des certificats médicaux de complaisance fournis par les parents. «Les familles auront toutes de bonnes raisons à avancer. Que répondre par exemple à ceux qui vivent à la campagne, loin de toute école? Ou à ceux dont les enfants sont en échec ou en souffrance à l’école?» Sur les réseaux sociaux, d’autres parents refusent «une mesure qui, une fois de plus, restreint les libertés individuelles». Cette annonce séduit plutôt le corps enseignant car «l’école est source d’égalité. Et parmi ces familles, on note malheureusement des dérives sectaires», note Guislaine David du Snuipp-Fsu.

Selon le gouvernement, le Conseil constitutionnel n’a jamais jugé que l’instruction en famille était une composante de la liberté d’enseignement. «Cette liberté s’entend comme une liberté de choisir l’enseignement public, privé sous contrat ou hors contrat. Mais pas l’enseignement à domicile», assure-t-on. Des parents pourraient toutefois s’appuyer sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) selon l’avocat Valérie Piau, spécialiste de droit scolaire. En 1982, la CEDH évoquait «la liberté d’organiser l’enseignement et d’opter pour une éducation hors structure scolaire…» pour un jeune Anglais victime de punitions corporelles à l’école.

Les motivations des familles qui font le choix de l’instruction à domicile sont variées et souvent plurielles. Leur enfant peut être victime de harcèlement, de phobie scolaire. Sans être handicapé, il peut être en échec, inadapté. D’autres s’estiment plus efficaces que l’Éducation nationale. Ils souhaitent parfois mettre en place une pédagogie particulière de type Montessori.

Motivations religieuses

Certains veulent un rythme «tranquille, proche de la nature» pour leurs enfants. Enfin, une partie des familles a une motivation religieuse, estimant le système scolaire peu respectueux de leurs croyances. L’interdiction de porter le voile à l’école pousse par exemple des familles musulmanes à garder leurs enfants. «Existent aussi les anti-vaccins, les végans, des ermites qui rejettent la société ou suivent un régime alimentaire particulier. Une majorité des parents sont sérieux. D’autres sont folkloriques, voire inquiétants. Quand la religion prend plus de place que les cours de maths et de français, par exemple, on s’alarme. Mais ce n’est pas simple à voir», raconte une inspectrice chargée des contrôles. D’autant plus que 5 % des familles, selon un inspecteur du nord de la France, sont « impossibles à joindre. Lorsqu’on veut les contrôler, on trouve porte close. Ou elles passent leur temps à déménager». Les associations d’instruction à domicile notent par ailleurs cette année un attrait particulier lié à la peur du Covid-19. Certains parents ont été séduits pendant le confinement et ont souhaité prolonger l’expérience. Ou rejettent l’obligation du port du masque à l’école…

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125 commentaires
  • galite

    le

    Quelles familles ?
    Quelques milliers de tordus , en secte ou se croyant élitistes .
    On ne légifère pas pour les lubies de quelques illuminés.

  • Glandule

    le

    Les enfants ne sont pas le problème. Il faut mettre à la porte ceux qui exploitent et manipulent les enfants. Il y a déjà des lois pour cela. Si on a pas le courage de faire appliquer la loi, ce n'est pas d'en créer d'autres qui fera avancer les choses. Bonne journée.

  • bramante

    le

    impartialhonnete après bien décrit la situation

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