Exclusion numérique : « les publics touchés sont bien plus diversifiés que ce que l’on peut imaginer »

Emmaüs Connect lutte contre l’exclusion numérique en France, un fléau qui touche 13 millions de personnes.

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L'association recherche des bénévoles pour lutter contre l'exclusion du numérique en France. © pololia - stock.adobe.com

Être déconnecté en 2020, c’est très compliqué. Et ce phénomène devrait encore prendre de l’ampleur avec la digitalisation globale de l’économie et l’administration. Nous avons rencontré Arnaud Jardin, responsable de la communication d’Emmaüs Connect, pour en savoir plus sur l’exclusion numérique en France, et sur les actions que mène l’association pour tenter d’y remédier. Vous aussi, vous pouvez aider !

Comment se matérialise l’exclusion numérique ?

L’exclusion numérique prend deux formes : il y a l’exclusion par l’équipement, c’est 8 millions de personnes en France qui n’ont pas les moyens d’accéder aux outils numériques faute de matériel ou parce qu’elles sont en zone blanche (500 000 personnes). Et puis il y a l’exclusion par les compétences, qui est encore plus large. Aujourd’hui 13 millions de Français(e)s ne sont pas à l’aise avec les outils numériques. 24 % des Français n’ont pas su trouver la moindre information sur internet l’année dernière par exemple selon l’Insee, c’est considérable.

Les conséquences de cette exclusion sont à la fois personnelles et professionnelles, avec l’impossibilité d’accéder à ses droits, de trouver un emploi, un logement, ou juste de garder contact avec ses proches.

Quels sont les publics les plus exposés ?

Les publics touchés sont bien plus diversifiés que ce que l’on peut imaginer. Les seniors sont loin d’être les seuls à avoir besoin d’aide ! Chez Emmaüs Connect, on accompagne en majorité des personnes entre 31 et 54 ans, qui ont absolument besoin de maîtriser le numérique pour trouver un emploi, se réinsérer. Ils représentent 47 % de nos bénéficiaires depuis 2013. Viennent ensuite les seniors (30 %) et enfin les jeunes de moins de 30 ans dont on imagine qu’ils sont tous connectés parce qu’ils utilisent des smartphones, mais en réalité beaucoup de jeunes issus de milieux défavorisés n’ont jamais appris à utiliser un ordinateur et à faire un usage professionnel du numérique, avec des logiciels de base.

Est-il de plus en plus problématique d’être exclu du numérique ?

Très clairement, oui. D’abord parce que l’administration poursuit un objectif de dématérialisation totale d’ici 2022 qui coupe les personnes en situation d’illectronisme de leurs droits sociaux, de leur citoyenneté, mais aussi parce que l’ensemble des services du quotidien se numérise. Aujourd’hui, pour gérer un compte bancaire ou chercher un logement, vous devez avoir une adresse email et passer par un site web. Elle est révolue, l’époque où aller sur internet était un choix. C’est devenu une nécessité. Un exemple simple : pour actualiser votre situation mensuellement sur Pôle emploi, vous êtes obligé de passer par le site web. Sinon, vous ne touchez pas d’allocation. Le danger est immédiat.

La crise sanitaire a-t-elle des conséquences spécifiques sur les personnes exclues du numérique ?

Le confinement de mars à mai a été une période très douloureuse pour les personnes qui ne maîtrisent pas le numérique. Elles ont été littéralement coupées du monde, privées de services parfois vitaux, mais aussi de lien social. Cette crise a mis en évidence les conséquences très concrètes de l’exclusion numérique en particulier pour ceux qui sont moins entourés. Le confinement n’a pas créé une situation nouvelle, il a révélé l’ampleur du phénomène et la nécessité absolue d’accéder à internet à notre époque.

Quels sont les objectifs de l’association ?

Emmaüs Connect a pour mission d’équiper, de connecter et d’accompagner les personnes en précarité qui sont exclues du numérique et qui ont absolument besoin de maîtriser ces outils pour améliorer leur situation à la fois sur un plan personnel et professionnel. C’est de l’aide concrète sur le numérique mais c’est aussi beaucoup d’écoute, d’humain, à l’image du mouvement Emmaüs.

https://twitter.com/EmmausConnect/status/1311198088040771590

Quelles actions menez-vous pour y parvenir ?

Dans nos points d’accueil, nous donnons accès à de l’équipement (ordinateurs, tablettes, smartphones) et des recharges mobile/internet à prix solidaires, et proposons du conseil et de l’accompagnement gratuit sur des usages numériques de base (boîte mail, compte bancaire…). Nous ne faisons pas à la place des gens, nous les menons vers plus d’autonomie.

Hors de nos points d’accueil, nous formons également des travailleurs sociaux à l’inclusion numérique, pour les aider à accompagner les personnes en difficulté numérique qu’ils rencontrent au quotidien. C’est un moyen de démultiplier notre action, pour toucher de manière indirecte un très grand nombre de personnes.

Où se trouvent les lieux de solidarité numérique ?

Nous avons 13 points d’accueil à Paris, Saint-Denis, Créteil (bientôt), Lille, Roubaix, Béthune, Strasbourg, Bordeaux, Marseille, Lyon, Grenoble.

Comment aider l’association et les personnes exclues du numérique ?

Pour équiper et accompagner les personnes en difficulté, nous avons besoin de bénévoles, surtout depuis le début de la crise sanitaire qui a fait chuter le bénévolat de 70 %. Pas besoin d’être expert du numérique ou formateur pour devenir bénévole !

Nous avons également besoin de matériel numérique (ordinateurs portables, smartphones, tablettes) que nous recueillons surtout auprès des entreprises ou collectivités. Si vous faites partie d’une structure qui a du matériel à valoriser, nous pouvons lui donner une deuxième vie solidaire !

Et enfin nous invitons toutes les personnes qui travaillent dans le secteur social et qui sont au contact de personnes en difficulté numérique à nous orienter du public ou à rejoindre notre réseau pour proposer des services numériques directement au sein de leur structure !

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1 commentaire
Commentaire (1)
  • Howard

    Bonjour
    Etant donné la fracture toujours présente, pourquoi ne pas également s’appuyer sur la force de la présence nationale des communautés Emmaüs ? Même si les personnes « déconnectées » se situent beaucoup dans les grandes agglomérations, bénéficier d’une aide numérique de proximité en zone plus rurale pourrait être appréciable. Par exemple, dans l’Allier, il y a trois communautés Emmaüs. Je pense que disposer d’au moins un bénévole « numérique » par communauté pourrait accélérer les choses. Il pourrait également être un interlocuteur auprès des entreprises et collectivités pour récupérer le matériel nécessaire.

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