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Seulement un bachelier polynésien sur trois poursuit ses études


Tahiti, le 12 octobre 2020 - Dans une étude récente de l’ISPF, le parcours des jeunes bacheliers de Polynésie française est disséqué. Entre les inégalités sociales persistantes et les réussites diverses de ceux qui partent en métropole ou qui restent sur le fenua, seulement un tiers des bacheliers du fenua continuent leurs études après le bac. Ils sont majoritairement issus des classes supérieures ayant réussi le bac général. Et un étudiant sur deux arrête après la première année.

Les conclusions de l’étude de l’ISPF sur le choix des néobacheliers ne surprendra personne. Elle permet de mettre des chiffres sur des constats déjà perceptibles que ce soit en termes d’accès aux études supérieures, de réussite ou de maintien des inégalités sociales.
 
L’enseignement supérieur pour les riches
 
Sans parler de formation à deux vitesses ou de fracture sociale, l’ISPF distinguent riches et pauvres en fonction des cursus choisis et de leur localisation. "Les enfants issus des classes sociales populaires accèdent moins souvent à l’enseignement supérieur et ont des parcours plus précaires" mais "néanmoins, leur réussite dans les baccalauréats professionnels améliore leur insertion professionnelle". Des jeunes moins favorisés qui s’orientent donc vers une professionnalisation immédiate au niveau local alors que les plus favorisés peuvent se projeter dans des enseignements plus longs en métropole. "De l’autre côté, les enfants issus des classes supérieures ont des parcours d’études et de réussite dans l’enseignement supérieur en Polynésie française ou dans l’Hexagone plus fréquents". L’Institut évoque pourtant une "relative démocratisation sociale de l’accès à l’enseignement supérieur" sans que les chiffres et graphes présentés ne matérialisent formellement cette tendance "en trompe l’œil". La proportion de fils d’agriculteurs, ouvriers et artisans restent en effet relativement inchangée.
 
Peu d’études après les bacs pro et techno
 
Autre enseignement de la note de l’ISPF, si les inégalités sociales subsistent, les inégalités de genre aussi. Les filles continuent ainsi plus fréquemment leurs études supérieures que les garçons. Entre 2013 et 2016, 40% d’entre elles ont choisi de poursuivre leurs études après contre 30% d’entre eux. En moyenne, 61% des lauréats du bac qui entament des études supérieures sont des femmes.
 
Finalement, entre les choix d’orientation des uns et des autres et des années, "entre 33 et 36% des néobacheliers de Polynésie française poursuivent des études dans l’enseignement supérieur français, soit deux fois moins que dans l’Hexagone". Sur les 2500 à 2800 bacheliers annuels, seulement 900 tentent l’aventure dans l’enseignement supérieur français. Un chiffre donc faible qui masque de fortes disparités selon le type de bac. Ainsi, deux jeunes sur trois qui ont obtenu le Bac général prolongent leurs études. Ils sont beaucoup moins nombreux après l’obtention du bac technologique (24% en 2016) du bac professionnel (12%). Loin d’être un constat d’échec, l’ISPF y voit une meilleure adéquation de l’offre et de la demande d’emploi, un phénomène qui "concrétise la politique d’intégration sur le marché local de l’emploi en lien avec le développement de filières professionnelles en adéquation avec le tissu économique local".
 
Fuite des "cerveaux" et trajectoires fulgurantes
 
S’ils sont relativement peu nombreux à poursuivre des études supérieures, l’offre universitaire et post-bac sur le territoire semble ne pas convaincre tous les jeunes bacheliers car "chaque année un tiers des jeunes de 18 à 24 ans de Polynésie française qui quittent le territoire vont faire des études supérieures dans l’Hexagone". Il faut noter que ces statistiques concernent la période 2013-2016, avant la mise en place de la plateforme Parcours Sup et ses algorithmes. Indépendamment de cet exode relatif, l’ISPF a distingué plusieurs profils d’étudiants avec des trajectoires bien différentes. Le plus fréquent, soit plus d’un cas sur deux, concerne "des néobacheliers qui arrêtent de manière précoce leurs études supérieures après une première année en Polynésie voire dans certains cas, beaucoup plus rares, une deuxième année dans l’Hexagone". Un petit aperçu des exigences post-bac suivi soit d’un abandon, soit d’une réorientation parfois. Dans d’autres cas, la persévérance est parfois de mise mais au prix de redoublement. Ainsi, dans un cas sur cinq, il s’agit d’étudiant qui vont finalement obtenir une licence en 4, 5 ou 6 ans et, très rarement, un Master en Polynésie française.
 
Les "parcours de réussite" sont également semés d’embuches. 11% des jeunes vont étudier très tôt en métropole pour y obtenir un Master. Ces parcours se font quand même "avec de nombreux redoublements et des bacheliers qui sont encore en Master 6 à 8 ans après le début de leurs études". Des études longues et coûteuses qui sont surtout possibles pour les enfants d’employés et de cadres (68% des cas) et non les fils d’agriculteurs et ouvriers (5%).
 
Le flou : L’année de "break" et les départs pour l’étranger
 
L’étude comporte quelques zones de flou concernant ceux qui, finalement, ne poursuivent pas leurs études dans l’enseignement supérieur français. Pour l’ISPF, c’est le temps des suppositions, faute de chiffres précis. "Il est vraisemblable qu’un certain nombre se tourne vers des établissements privés et d’autres vers l’enseignement supérieur hors de France notamment pour des raisons de proximité géographique (États-Unis, Canada, Nouvelle-Zélande)". L’obtention du bac semble également être pour certains une épreuve difficile qui mérite repos. "Il n’est pas rare en Polynésie, car culturellement accepté et reconnu, de prendre une année de transition après le lycée avant de poursuivre des études supérieures". Des catégories donc bien réelles mais statistiquement encore inconnues.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Lundi 12 Octobre 2020 à 17:48 | Lu 4348 fois