La vocation humanitaire

Le véhicule de l'ONG Acted, après l'attaque qui a fait 8 morts le 9 août au Niger ©AFP
Le véhicule de l'ONG Acted, après l'attaque qui a fait 8 morts le 9 août au Niger ©AFP
Le véhicule de l'ONG Acted, après l'attaque qui a fait 8 morts le 9 août au Niger ©AFP
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Rentrée universitaire : malgré les risques du métier, les universités ou les écoles qui forment à l’action l’humanitaire attirent toujours des étudiants.

« Il y a trente ans, les hommes et les femmes qui partaient en mission humanitaire dans des zones en conflit étaient des têtes brûlées, sans formation adaptée », affirme Christine Aubrée, directrice du pôle formations de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), une école qui compte parmi ses élèves de nombreux aspirants à des carrières dans l’humanitaire. Pour Le Monde, Eric Nunès est allé enquêter dans plusieurs établissements proposant ce type de formation. Elle consiste notamment à apprendre à « faire une analyse de risque du territoire », explique Olivier Routeau, directeur pédagogique de l’IRIS. Mais aussi à comprendre « les crises qu’ont traversées les pays dans lesquels ils vont débarquer, appréhender la culture et les antagonismes qui se sont créés, maîtriser l’histoire des ethnies pour être en capacité d’entrer dans la logique des personnes qu’ils veulent aider », explique Johan Glaisner, directeur de l’Ircom, une école privée spécialisée dans la formation d’humanitaires « de terrain », située près d’Angers. Les témoignages et retours d’expériences jouent un rôle prépondérant dans ces formations_._ Et il y a les stages.

Clémence Petton, après une licence de droit, a passé une année en République démocratique du Congo dans un centre d’alphabétisation. Clothilde de Solages, 24 ans, est allée en Jordanie pour venir en aide aux familles qui fuyaient l’Organisation Etat islamique tandis que Bastien Siodac, à 21 ans, a passé deux ans en Asie, au Népal, puis aux Philippines, pour secourir des enfants démunis…

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L’espace humanitaire

Mais les risques sont réels : « en 2019, 125 humanitaires ont été tués, 234 blessés et 124 kidnappés selon l’ONU, soit une hausse de 18 % des attaques par rapport à 2018. » Dans les pages idées du quotidien, trois dirigeants d’Acted, Marie-Pierre Caley, Bertrand Gallet et Frédéric Roussel signent une tribune « pour sauvegarder l’espace humanitaire et en finir avec l’impunité des attaques contre les humanitaires ». L’ONG a perdu le 9 août au Niger huit de ses membres, dont si jeunes très diplômés et entraînés à l’analyse des enjeux locaux. Les signataires en appellent au Conseil de sécurité de l’ONU afin de non seulement sauvegarder mais étendre l’espace humanitaire. 

Il faut même qu’il irrigue de ses valeurs, de solidarité et d’humanité, la conscience universelle que le monde va mal, et que tous les efforts doivent converger vers un monde zéro carbone, zéro exclusion, zéro pauvreté.

La banalité du bien

Dans _L’Express_l’historien néerlandais Rutger Bregman nous donne quelques bonnes raisons d’espérer. Son dernier livre, Humanité. Une histoire optimiste (Seuil) est une synthèse des savoirs en anthropologie, psychologie, biologie et sociologie. « La plupart des gens sont des gens bien » affirme-t-il. Il en veut pour preuve les travaux des biologistes sur les espèces domestiquées, qui « ont certains traits en commun, comme le fait d'avoir des os plus fins et un cerveau plus petit », en somme « un aspect un peu plus enfantin, plus "chiot", que leurs ancêtres sauvages ». Même constat avec les humains, si l'on compare leurs squelettes sur la longue durée. 

Les biologistes parlent même de "survie des plus amicaux", ce qui signifie que, pendant des millénaires, ce sont les plus sociables d'entre nous qui ont eu le plus d'enfants et le plus de chances de transmettre leurs gènes à la génération suivante.

Reste que le monde et son « avalanche de nouvelles angoissantes » ne plaide guère en faveur d’un tel optimisme. C’est que, pour Rutger Bregman, « notre mémoire retient davantage le "mauvais" que le "bon" ». Un « biais de négativité » qui est selon lui un reste de l'évolution : « un chasseur-cueilleur avait intérêt à avoir peur d'une araignée ou d'un serpent ». Mais aujourd'hui, « notre propension à la négativité peut nous égarer ». 

On ne voit pas "la banalité du bien".

Altruisme

Altruisme : le mot apparaît pour la première fois sous la plume d’Auguste Comte. Une disposition naturelle que Darwin observait aussi dans le monde animal. « La sélection naturelle a favorisé des comportements altruistes chez bon nombre d’espèces », souligne Jean-François Dortier, le directeur du mensuel Sciences Humaines, dans une nouvelle publication qui sort aujourd’hui : L’Humanologue. Encore une invention : l’humanologie s’intéresse à l’être humain dans « sa nature universelle et la diversité de ses conditions ». Au chapitre des idées, on fait le point sur cette particularité humaine : le cortex préfrontal. Planification des activités – car les idées ne sont pas seulement des rêveries intimes, le travail se réalise à partir de ce que les phénoménologues appellent « l’intentionnalité », des « idées en tête ». Flot de conscience ininterrompu qui porte nos désirs et nos peurs, l’univers ductile des idées ne cesse d’enfanter des rêves d’humanité.

Par Jacques Munier

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