Certains misaient sur un reconfinement scolaire « localisé », au sortir des vacances de la Toussaint. D’autres sur l’activation du fameux « plan de continuité pédagogique » que l’éducation nationale est censée tenir prêt. D’autres, encore, croisaient les doigts pour que « rien ne change », et éloigner le spectre d’une éventuelle fermeture des établissements. Quelques heures avant l’allocution d’Emmanuel Macron, mercredi 14 octobre, tous les enseignants étaient dans l’attente. Mais il n’y a pas eu d’annonce les concernant dans le discours du chef de l’Etat. Un hommage appuyé, sans doute, mais pas de changement, à ce stade, de leurs conditions d’exercice et d’accueil.
« Nos enfants ont besoin de continuer d’être à l’école, a martelé Emmanuel Macron. Je me félicite que nous ayons été parmi les premiers pays à rouvrir nos classes, qu’on ait réussi la rentrée, et je remercie nos enseignants, qui ont fait un travail formidable. On doit continuer comme ça. »
« Continuer comme ça » ? Sur le terrain, ces trois mots font réagir. « Continuer comment, précisément ?, interroge Benjamin Marol, enseignant dans un collège de Montreuil (Seine-Saint-Denis). En serrant les dents ? En regardant ailleurs quand un élève tousse ? J’entends de plus en plus de collègues qui se sentent vulnérables dire qu’ils ne tiendront pas l’année. Certains n’ont pas repris. La méthode Coué, ça va un temps… » « Tous les voyants sont passés au rouge, et nous, dans nos classes, entassés avec 35 élèves, il nous faut continuer d’y croire… Nous voilà pris dans un drôle de paradoxe », pointe Clara da Silva, enseignante dans un lycée à Paris.
« Raccrocher les wagons »
Pour le million d’enseignants et de personnels d’éducation qui voit cette première période de l’année scolaire s’achever, avec le début des congés d’automne, l’heure d’un premier bilan est venue. S’ils ont « tenu », disent-ils, c’est pour les élèves ; pour le « bonheur » de les retrouver et l’« urgence » de les reprendre en main. « Je ne connais pas un enseignant qui n’ait pas eu les larmes aux yeux le jour de la rentrée, témoigne Stéphane Rio, qui exerce dans un lycée à Marseille. Les élèves étaient tous là, ils ont joué le jeu, masqués, attentifs, impliqués… et, dans leur immense majorité, très consentants à l’égard des interdits qu’on leur impose. »
Un constat partagé dans le primaire où, passé la « joie des retrouvailles », les professeurs des écoles disent aussi avoir ressenti très fortement l’« impératif » de « raccrocher les wagons ». « Soyons honnêtes : qui peut croire qu’on peut manquer la moitié d’une année [de mars à juillet, pour certains enfants] sans que les apprentissages s’en ressentent ? », interroge Hervé Lalle, directeur d’école à Paris.
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