EMPLOI - “C’est assez creux. Mais bon, c’est normal au début: il faut bien ramer un peu...” Quand on contacte Sacha Guyonnet, 24 ans, il vient tout juste de terminer sa première semaine en tant qu’ostéopathe libéral. Dans son cabinet de Saint-Maur-des-Fossés, dans le Val-de-Marne, il a manipulé ses premiers patients depuis l’obtention de son diplôme, au mois de juin.
Comme de nombreux jeunes, c’est dans un contexte très particulier qu’il découvre le marché du travail en cette rentrée: au sortir d’un confinement de près de deux mois et dans une France qui vit encore au rythme de l’épidémie de coronavirus, avec toutes les conséquences économiques qu’elle provoque.
Il pensait trouver des collaborations et des remplacements mais...
Les derniers mois de la scolarité du jeune homme ont d’ailleurs été influencés par la pandémie de covid-19. Pour valider sa formation, il devait voir un certain nombre de patients en clinique, de façon à valider des exercices pratiques. Malgré la suspension temporaire de ces rendez-vous, il est finalement parvenu à remplir son quota.
“Et à l’école, on a fini avec uniquement des cours théoriques en visioconférence. Mais il se sont portés garants pour nous rattraper les cours pratiques manquants cette année.” C’est ainsi qu’au début de l’été, il a donc reçu le diplôme marquant la fin de cinq années d’étude.
Le top départ pour commencer à chercher un emploi surtout. Dans l’idée, Sacha d’abord cherchait des collaborations avec des collègues déjà installés, des remplacements occasionnels, histoire -sans mauvais jeu de mots- de se faire la main. Et de ne pas engager trop de frais aussi. “J’ai eu plusieurs pistes, cherché pendant plusieurs mois, mais ça n’a pas abouti...”
Alors fin août, il s’est lancé un défi: celui de débuter sa carrière en libéral, seul, avec toutes les difficultés que cela comporte, à commencer par celui de se créer une patientèle à l’heure où toute l’économie recule. Cela en plus de la crainte des Français d’être contaminés par le covid-19 chez un professionnel de santé, et de la fermeture des salles de sport, dont la clientèle a souvent recours aux services d’ostéopathes. Une fois créé son compte d’auto-entrepreneur auprès l’Urssaf et après s’être enregistré sur Adeli, le répertoire national des professionnels de santé, Sacha s’est donc mis en quête d’un cabinet où exercer et a commencé à acquérir du matériel.
Forcément du doute, de l’appréhension
En échec sur les sites spécialisés où tout s’arrachait bien trop vite, c’est sur Le Bon Coin qu’il a fini par trouver la perle rare: un local situé tout près de chez lui et où un agent immobilier monte une structure pluridisciplinaire avec sept professionnels de santé. Et s’il avait un temps pensé souscrire à un prêt grâce au taux intéressant que lui proposait sa banque, les parents de Sacha ont finalement proposé de lui avancer les sommes nécessaires pour acheter sa table, verser le premier mois de loyer et deux autres pour la caution etc.
“J’ai eu des moments de doute, d’appréhension, forcément”, confie-t-il, après six jours particulièrement calmes, en dehors d’un samedi où il a vu quatre patients. “Quand tu dépenses beaucoup d’argent sans savoir ce qu’il se passera ensuite...” Mais le jeune homme reste optimiste, conscient que la voie qu’il a choisie demande du temps. “J’ai un bon emplacement et je m’estime assez compétent, donc je pense que ça va le faire”, ajoute-t-il.
Car le jeune ostéo ne semble pas stressé à l’idée de débuter en solitaire sa vie de professionnel. “La principale inquiétude, c’est de créer une patientèle”, répète-t-il. C’est en ce sens qu’il paie chaque mois 130 euros pour apparaître sur Doctolib, “ce qui n’est pas négligeable quand on débute”, et qu’il a distribué des cartes de visite fraichement imprimées dans les pharmacies, centres dentaires et médicaux, et même les salles de sport du quartier. Lors de son samedi après-midi chargé, il a ainsi appris que trois patients l’avaient trouvé sur l’application de prises de rendez-vous, et une autre en achetant des médicaments au coin de la rue.
Un petit pari “sûrement gagnant”
Reste donc à s’habituer à sa nouvelle vie, à organiser ses semaines en fonction des rendez-vous qu’il espère de plus en plus nombreux. “Pour l’instant, c’est beaucoup d’attente la semaine, je surveille mes mails, le calendrier Doctolib...”, décrit-il alors que se profile un rendez-vous avec une dame qu’il connaît déjà. Dans sa structure, où il est le premier installé, une psychologue doit arriver en novembre suivie d’une diététicienne début 2021. Avec elles, des patients qu’elles connaissent et qui auront peut-être besoin du savoir de Sacha.
Lui compte se “laisser le temps” de voir comment la situation évolue et prend les choses avec philosophie. Il aurait pu signer un bail de trois ans, mais a préféré se lancer pour un an, “une bonne période” pour évaluer son choix. “C’est courageux de se lancer comme ça, mais ce n’est pas du tout déraisonnable”, conclut-il, lui qui pensait au départ attendre quelques années avant d’ouvrir son propre cabinet. Et d’ajouter, toujours positif: “Ce n’est qu’un petit pari, et il sera sûrement gagnant.”
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