Ils auraient aimé être plus nombreux, plus fervents, plus unanimes. Ils auraient souhaité donner une image de force et de pugnacité, tous unis dans l’effroi du crime perpétré contre un professeur qui exerçait de belle façon son métier d’éduquer ; tous solidaires pour défendre les valeurs et principes de la République. Beaucoup gardaient en tête le souvenir de la marche du 11 janvier 2015, après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, qui avait rassemblé 1,5 million de personnes dans les rues de Paris, des dizaines de milliers d’autres dans 265 villes de France, espérant sans doute un élan similaire.
Las ! La ferveur ne se décrète pas, pas plus que la confiance ou l’espoir. La France, meurtrie, de 2020 n’est plus celle de 2015. Le front s’est fendillé. Et si la colère et la douleur ressenties à l’annonce de la décapitation de Samuel Paty sont immenses et ont conduit des milliers de personnes à se rassembler dimanche 18 octobre à Paris, Lyon, Strasbourg, Marseille, Nantes, Lille, Montpellier, s’y mêlent doutes et amertume, fractures idéologiques, grosse fatigue et désabusement. Impatience aussi. Impatience et ressentiment.
Les politiques font profil bas
« Qu’a-t-on fait depuis cinq ans pour éradiquer l’islamisme ?, demande un professeur d’un lycée du Val-de-Marne, venu place de la République, à Paris. Il gangrène la société française devenue terre de djihad. Il ne recule pas, il progresse, s’impose, se banalise. Il s’immisce au cœur même de l’institution qui touche toutes les familles de France : l’école ! Le pilier de notre société. Mais ouvrons nos yeux ! Ou plutôt : cessons de les détourner. Parlons franchement. Ça suffit l’hypocrisie et la trouille de heurter. Il y a le feu à la maison ! Il faut prendre des mesures, vite. Cesser les lâchetés et discours anesthésiants. Les hommes politiques ont tous été lamentables. »
Le verdict semble partagé par la foule. Et les responsables politiques présents font plutôt profil bas. A Paris, le premier ministre, Jean Castex, est arrivé accompagné du ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, et de Marlène Schiappa, chargée de la citoyenneté, mais il ne prendra pas la parole, se contentant d’un Tweet : « Vous ne nous faites pas peur. Nous n’avons pas peur. Vous ne nous diviserez pas. Nous sommes la France ! » La maire de Paris, Anne Hidalgo, et la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, l’encadrent pendant La Marseillaise. Des élus se rejoignent par petits groupes. La droite est faiblement représentée, la gauche un peu éparse. On aperçoit François Hollande, Bernard Cazeneuve, Olivier Faure, Benoît Hamon. A BFM-TV, Manuel Valls confie que « Jean-Luc Mélenchon a une très grande responsabilité dans cette lâcheté de la gauche face à l’islamisme ». Plusieurs fois vilipendé par des manifestants qui lui reprochent notamment sa participation, en 2019, à une manifestation contre l’islamophobie, le leader de La France insoumise répliquera sur LCI ne pas vouloir « entrer dans une bataille de gifles avec Valls ».
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