Elle a réfléchi toute la journée avant de se confier. «C'est tellement difficile. On marche sur des braises avec ces sujets-là. Tout le temps.» Ambre (1), 28 ans, est prof d'histoire-géo dans un lycée de Seine-Saint-Denis. Elle est aussi en charge des cours d'«éducation morale et civique», où l'on cause laïcité, liberté d'expression ou encore égalité. «En tant que prof, c'est hyper dur de savoir quoi dire, comment le dire.» Il y a cette peur d'être maladroite et de devoir faire face à des réactions d'élèves inappropriées. Alors Ambre l'avoue, il lui arrive de laisser de côté certains sujets «quand je ne le sens pas. Je suis plus à l'aise sur ce que je maîtrise bien, comme l'égalité hommes-femmes par exemple. La liberté d'expression, c'est plus dur». Sont-ils nombreux, ces profs, à s'autocensurer ? L'assassinat vendredi de Samuel Paty, cet enseignant d'histoire-géographie qui avait montré les caricatures de Mahomet à ses élèves, remet en lumière cette question : les équipes enseignantes arrivent-elles à aborder ces «questions vives», comme on dit dans leur jargon de l'Education nationale ?
Autocensure
Certes, la contestation de l'école publique par des groupes religieux a toujours existé, rappelle Ismail Ferhat, historien de la laïcité. «Dès Jules Ferry, il y a eu des contestations de groupes catholiques qui refusaient "l'école sans Dieu" et ses programmes immoraux.» Est-ce plus dur qu'avant ? Impossible d'avoir une réponse objective à base de chiffr