Chute historique des embauches de cadres cette année
L'Apec attend de 170.000 à 200.000 recrutements de cadres cette année, soit une baisse de 30 % à 40 % par rapport à 2019, année durant laquelle un record avait été battu. Les difficultés d'embauche pour certains postes n'ont pas disparu pour autant.
Par Alain Ruello
C'est pire que lors de toutes les crises de ces trente dernières années. Les embauches de cadres vont baisser de 30 % à 40 % cette année et plus probablement dans la fourchette haute, selon les prévisions actualisées de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec), publiées ce jeudi matin.
Il ne devrait y avoir qu'entre 170.000 et 200.000 recrutements, contre les 297.000 attendus avant le coronavirus ( 16.000 de plus que le niveau record atteint en 2019) . Ces prévisions sont le fruit de ce qui a été constaté sur les trois premiers trimestres et ce qui est attendu sur le dernier. « A ce niveau, on revient à ce qui a été observé à la fin des années quatre-vingt-dix », constate, amer, le directeur général de l'Apec, Gilles Gateau.
Nommé en avril, en pleine tempête, ce dernier n'a pu que constater les dégâts de la crise qui a renvoyé aux calendes grecques l'objectif d'atteindre la barre des 300.000 embauches annuelles. L'ampleur du choc apparaît encore plus forte quand on le compare aux principaux trous d'air précédents : -10 % en 2013, année de la crise de la dette ; -28 % en 2009 lors de la crise financière ; -25 % sur les deux années 2002 et 2003 après l'éclatement de la bulle Internet ; -44 % à cause de la première guerre du Golfe mais sur les quatre exercices suivants.
Pénurie de main-d'oeuvre
« On va battre un record de baisse, c'est certain », abonde Gilles Gateau, sans pour autant remettre en cause la demande structurelle de cadres de l'économie, liée à la transformation du marché du Travail, estime-t-il. Rebond il y aura donc, reste à savoir quand.
En attendant, c'est en Ile-de-France que les cadres ont le plus de mal à trouver un travail, en grande partie du fait de la prépondérance de sièges sociaux, tandis que la situation est - un peu - moins sinistrée en Normandie ou en Centre-Val de Loire. La pénurie de recrutements ne remet en revanche pas en cause le podium des métiers les plus recherchés, puisque les services que l'Apec classe comme étant à forte valeur ajoutée (informatique, conseil, recherche…) restent les premiers pourvoyeurs d'emplois de cadres. Suivent ensuite l'industrie, la construction ou le commerce, mais loin derrière, crise oblige.
tensions de recrutement
De là à penser que les difficultés de recrutement de ces profils de salariés ont disparu, il y a un pas. « Ce serait une erreur que de croire que la baisse des embauches et donc la hausse du nombre de cadres disponibles ont fait disparaître le problème », affirme le DG de l'Apec. Ce pour au moins deux raisons. Primo, crise ou pas crise, certaines qualifications rares manquent toujours à l'appel. Et secundo, une entreprise à la recherche de la perle rare aura encore plus de mal à la débaucher ailleurs. La tendance très majoritaire est à la sécurité de l'emploi, même si nombre de cadres envisagent sérieusement de changer d'environnement ou de prendre les devants parce qu'ils craignent pour leur poste.
Cette non disparition des tensions de recrutement, 60 % des entreprises de services à forte valeur ajoutée qui vont embaucher au moins un cadre sur le quatrième trimestre l'anticipent. Dans la construction et l'industrie, les pourcentages grimpent à 66 % et 70 % respectivement. Conscient du problème, le gouvernement a inscrit le sujet à l'ordre du jour de l'agenda social. Les partenaires sociaux doivent se mettre d'accord rapidement sur un nombre limité de branches professionnelles parmi les plus concernées à traiter en priorité .
À noter
Le nombre de cadres inscrits à Pôle emploi sans activité a augmenté de 17 % entre début janvier et fin août.
Alain Ruello