Malgré ses volets bleus, il fait grise mine. Le café-librairie de Coutures (Maine-et-Loire) est fermé. Sur la façade, rien ne rappelle ce qui a été. Le n° 8 de la rue Principale est redevenu une maison comme les autres. En un peu plus triste. Ici, entre Angers (à l’ouest) et Saumur (à l’est), pas si loin des bords de Loire, une enfant du pays, Patricia Carpentier, 56 ans, avait créé un des rendez-vous les plus chaleureux de la région. Livres et boissons à toute heure. Spectacles et expositions à volonté. « J’ai ouvert fin 2016. J’ai arrêté fin 2018 », résume-t-elle. C’est court. « Très court, enchérit-elle. Mais la vie de locataire est parfois pleine de surprises… »
Avant, c’était un bistrot tout simple où les fillettes de cabernet d’Anjou le disputaient aux quilles de chenin sec. La Bobine que ça s’appelait. Patricia Carpentier en a fait Le Fil à Coutures. « Pour garder le lien entre les deux histoires et pour en tisser un nouveau avec les lecteurs à venir, dit-elle. C’était dans un drôle d’état. J’ai tout retapé. » A gauche, en entrant, là où, autrefois, trônait le zinc : le salon, sa cheminée en tuffeau et ses meubles de récupération – tables en Formica, chaises d’écolier. A droite : les rayonnages de livres neufs et d’occasion. A l’étage : un espace d’exposition mâtiné de brocante. Un loyer mensuel de 330 euros.
Pas à son coup d’essai
Patricia Carpentier n’en était pas à son coup d’essai. Huit ans durant (2009-2016), elle a tenu Le Goût Thé en Libr’air, un repère culturel troglodytique, deux kilomètres plus bas, à l’ombre du château de Montsabert, propriété de l’ogre Gilles de Rais devenue colonie de vacances. Les touristes de hasard font halte. Les curieux rappliquent. Le bouche-à-oreille assure le succès. Mais elle rêvait d’un pignon sur rue. Direction Coutures et ses 520 habitants. « Je savais que mes habitués me suivraient, certifie-t-elle, et je voulais, en plus, permettre aux villageois d’accéder à ce dont ils étaient privés depuis longtemps. »
S’occuper des gens, elle sait faire. Elle a grandi avec cinq frères et sœurs, élevée par une mère qui faisait des ménages et un beau-père manutentionnaire qui lisait des SAS. Elle a exercé le métier d’infirmière en psychiatrie pendant trente ans – quatorze années au Centre de santé mentale angevin de Sainte-Gemmes-sur-Loire, huit autres à la maison d’arrêt d’Angers et encore huit au service de l’Education nationale. Elle est maman de trois enfants. Sa voix est douce, son regard est clair et son rire franc. Il n’y a pas de situation devant laquelle elle consent à reculer. Alors, vous pensez, conseiller un livre… De la petite bière.
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