Comment retourner en classe après l’attentat qui a frappé l’école, le 16 octobre à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) ? Au soir du début des vacances d’automne, un enseignant d’histoire de 47 ans, Samuel Paty, était assassiné en pleine rue, pour avoir montré des caricatures de Mahomet lors d’une séance d’enseignement moral et civique (EMC) sur la liberté d’expression. Un « hommage » doit lui être rendu lundi dans tous les établissements scolaires. Une minute de silence suivra la lecture de la « Lettre aux instituteurs et institutrices » de Jean Jaurès.
Depuis ce drame, les enseignants se questionnent. Comment retrouver les élèves après les congés, accueillir leur parole sans flancher, avec la crainte de revivre les contestations d’il y a cinq ans, après l’attentat contre Charlie Hebdo ? Comment continuer, ensuite, à éduquer à la liberté d’expression et au respect de chacun ? « On est en vacances, mais on cogite », résume Mathieu (plusieurs enseignants interrogés souhaitent garder leur anonymat), professeur d’histoire dans un lycée de Sarcelles (Val-d’Oise). Pendant les congés, les courriels ont fusé, les groupes sur la messagerie WhatsApp ont bruissé de réactions, de questions, d’échanges de supports pédagogiques pour évoquer la liberté d’expression en classe. Pour préparer la rentrée, et pour s’inquiéter, aussi, de cet hommage voulu par Jean-Michel Blanquer à l’heure où les mesures sanitaires sont renforcées dans les écoles.
Depuis l’annonce du deuxième confinement, son organisation a été allégée. Dans un courrier adressé vendredi soir aux professeurs, le ministre de l’éducation nationale est revenu sur sa proposition de banaliser un « temps d’échange » de deux heures pour les enseignants entre 8 et 10 heures. Les cours reprendront « normalement », et la minute de silence, organisée en classe ou dans la cour « dans le respect des règles sanitaires », « pourra être précédée d’un temps pédagogique, en classe, autour des valeurs de la République et de son école ». Il n’est plus question d’accueillir des élus dans les établissements, et seule la lecture de la lettre et la minute de silence sont obligatoires.
Ecouter, discuter, recueillir les réactions
Pour certains, retrouver de la souplesse dans l’organisation des retrouvailles est plutôt une bonne chose. « Je ne sais pas si organiser quelque chose de massif, le premier jour, a beaucoup de sens, s’inquiète par exemple Mathieu, à Sarcelles. Mais évidemment, si les élèves ont des questions, on sera là pour leur répondre. » Ecouter, discuter, recueillir les réactions sont les maîtres mots. Dans ce contexte, le choix de la lettre de Jaurès est parfois remis en question : « C’est un texte long, remarque Hélène, professeure de mathématiques en lycée professionnel. Il y aura forcément des remarques, des rires… Comme il y a cinq ans. » Dans sa lettre aux enseignants diffusée vendredi soir, Jean-Michel Blanquer précise que « la minute de silence de lundi doit être respectée. Tout problème en la matière est à signaler à la cellule “Valeurs de la République” du rectorat. »
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