La France a-t-elle du mal à transmettre la laïcité et les valeurs républicaines ? Après chaque attentat, les regards se tournent vers l’école, qui n’aurait pas, ou pas assez, joué son rôle de « creuset » dans lequel s’apprend la liberté de conscience et d’expression. L’assassinat de Samuel Paty, perpétré par un Tchétchène de 18 ans qui avait cherché des cibles sur Internet avant de passer à l’acte, n’a pas dérogé à cette règle. Le gouvernement a promis de renforcer la place de l’enseignement moral et civique (EMC), ces heures consacrées aux valeurs républicaines dispensées le plus souvent par le professeur d’histoire-géographie.
Dans sa lettre aux enseignants, diffusée vendredi 30 octobre, le ministre de l’éducation nationale a de nouveau encouragé à « veiller à renforcer tout au long de l’année et de la scolarité des élèves le travail en classe sur les valeurs de la République ». Selon son entourage, des propositions concrètes devraient être faites dans les semaines qui viennent, y compris pour « diversifier » les formes de cet enseignement – et qu’il ne soit plus confié aux seuls professeurs d’histoire-géographie. Le volume horaire pourrait aussi évoluer : aujourd’hui, les lycéens reçoivent une heure d’EMC toutes les deux semaines. Au collège, ce temps est pris sur les heures du cours d’histoire, ce qui en fait parfois la « variable d’ajustement » de cette discipline.
La laïcité, en particulier, pose souvent problème aux enseignants. « Il existe des définitions concurrentes de la laïcité, résume Pierre Kahn, professeur émérite en sciences de l’éducation à l’université de Caen, qui a coordonné la rédaction des programmes d’enseignement moral et civique de 2015. Les philosophes et les intellectuels n’en ont pas tous la même compréhension. Le problème se redouble au niveau des enseignants, qui eux-mêmes n’en ont pas la même définition. Certains considèrent qu’ils n’ont pas le droit de parler de religion à l’école, alors que ce n’est pas le cas. » D’autres regrettent un usage politique et « fourre-tout » de cette notion, qui sert de prétexte à rejeter tout comportement n’entrant pas dans le cadre défini par l’école.
Ajustements de programmes
L’école consacre des séances spécifiques à la transmission des valeurs républicaines depuis 1985, et la place de l’enseignement de la laïcité y a largement progressé avec le temps. Dans les années 2000, l’efficacité de l’éducation civique, qui s’emploie à transmettre à la fois la culture des institutions et les valeurs communes, commence à être questionnée. En 2012, la gauche en propose une refonte. Le locataire de la Rue de Grenelle d’alors, Vincent Peillon, remet au goût du jour l’expression « morale laïque », empruntée au pédagogue Ferdinand Buisson, qui renvoie à la morale au sens philosophique. L’expression provoque un tollé. A la rentrée 2015, le projet entre dans les programmes scolaires sous l’appellation « enseignement moral et civique » (EMC).
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