Publicité

L’école a rendu hommage à Samuel Paty

Le premier ministre Jean Castex, lundi, lors de l’hommage à Samuel Paty, dans une classe d’une école de Conflans-Sainte- Honorine, dont les élèves ont observé une minute de silence et lu la lettre de Jean Jaurès. THOMAS COEX/AFP

La minute de silence a été suivie de discussions sur la liberté d’expression, pas toujours simples à mener.

Une minute de silence à 11 heures et une discussion, parfois expédiée, parfois approfondie, sur la liberté d’expression et la laïcité. Après deux semaines de vacances, 12 millions d’élèves ont rendu hommage à Samuel Paty, assassiné le soir des vacances de la Toussaint. Dans les couloirs du collège public Anne-Franck, dans le 11e arrondissement de Paris, une sonnerie a retenti à 11 heures précises. Dans chaque classe, les élèves se sont levés. «La prof d’anglais n’a pas voulu lire le texte de Jean Jaurès recommandé par le ministère. Elle estimait qu’il s’adressait aux professeurs plus qu’aux élèves», racontent Cheyenne et Lou-Ann, élèves de troisième. «Nous avons un peu parlé de ce qui s’est passé, sans trop entrer dans les détails», expliquent-elles. Dans ce collège socialement mixte, tous sont «choqués qu’on ait tué un professeur». Mais Djamila, 14 ans, estime qu’«il aurait pu parler des caricatures sans les montrer. Ou en montrer une autre, moins choquante». En cours de sport, le professeur de Sacha et Lisa a diffusé une vidéo des obsèques de Samuel Paty. C’est brièvement qu’il a évoqué le sort de ce professeur «mort à cause de sa défense de la laïcité». «Ce que l’on sait de cette histoire horrible, c’est surtout grâce à nos parents», résument les collégiens.

» VOIR AUSSI - De Cenon à Paris, les établissements scolaires ont observé une minute de silence en hommage à Samuel Paty

De Cenon à Paris, les établissements scolaires ont observé une minute de silence en hommage à Samuel Paty - Regarder sur Figaro Live

Dans son lycée des Hauts-de-Seine, Louise a eu droit à un message vocal du proviseur, retransmis dans toutes les salles de classe, puis à une minute de silence. «C’était respectueux, mais sans émotion, regrette-t-elle. On a rapidement repris nos équations.» «La prof d’anglais nous a demandé ce qu’on savait à propos du professeur mort, raconte Alexandre, 12 ans, collégien du 13e arrondissement parisien. Moi, je sais qu’il a montré des caricatures du Prophète, qu’un élève l’a rapporté à son père, qui l’a mis sur internet. Et après, il a été tué. Il y a même des élèves qui ont touché de l’argent pour désigner ce professeur. Ils sont en prison, ou au moins en garde à vue», poursuit ce collégien de cinquième. Dans sa classe, la minute de silence s’est passée sans incident. «Certains ont rigolé, mais c’était pas pour se moquer.»

Pour mes jeunes collègues, qui sont à la fois émus et en colère, c’est le baptême du feu.

Iannis Roder, enseignant

Après quatre heures passées sur le sujet, avec deux classes de troisième, Iannis Roder, professeur d’histoire dans un collège de Saint-Denis est «vidé». «J’ai surtout constaté qu’ils étaient très mal informés. L’un d’eux pensait même que les faits s’étaient produits ici! Sur le fond, certains m’ont soutenu qu’il ne s’agissait pas d’une attaque terroriste, mais d’un meurtre. Je n’ai pas réussi à leur faire dire ce qu’il y avait derrière ce propos», explique-t-il. Le professeur a aussi été confronté aux questions autour d’un «deux poids, deux mesures» à la défaveur des musulmans. «Certains m’ont dit que deux femmes musulmanes avaient été tuées à la tour Eiffel (le 21 octobre, deux femmes voilées ont été attaquées au couteau, NDLR), que personne n’en avait parlé, alors que l’on ne cesse de parler de Samuel Paty, poursuit-il. Ils placent tout sur un pied d’égalité. Ça questionne vraiment sur la capacité à comprendre la signification d’un geste et la portée d’un événement».

La lettre de Jaurès? Il l’a lue, évidemment. «Le problème, c’est qu’ils ne la comprennent pas. Il faudrait expliquer chaque phrase. Le ministère doit réaliser cela». Dans son établissement, la minute de silence s’est passée «correctement». «Et si on veut pas la faire?», l’a interrogé un élève. «On la fait quand même», a rétorqué le professeur. Membre du conseil des sages de la laïcité, enseignant depuis vingt ans dans ce collège difficile, Iannis Roder a connu le 11 Septembre, Merah, Charlie, le Bataclan. «Je suis rodé. Pour mes jeunes collègues, qui sont à la fois émus et en colère, c’est le baptême du feu». Dans son collège, une partie des enseignants était en grève lundi.

À Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), ville où Samuel Paty enseignait, le premier ministre Jean Castex a observé une minute de silence avec des élèves de CM2. Accompagné de Jean-Michel Blanquer, il s’était auparavant rendu au collège de l’enseignant assassiné, pour échanger avec la communauté éducative, les élèves ne rentrant que mardi. «Nous avions besoin de cette journée pour nous retrouver et préparer ce que nous allions leur dire. La journée va être très dure, chargée en émotion. Nous pensons aussi au professeur appelé pour remplacer Samuel Paty. Ce ne sera pas simple pour lui…», raconte un enseignant du collège. Certains se sont dits inquiets de l’influence des réseaux sociaux sur les plus jeunes. Professeur d’histoire en collège, Coline Charpentier a «craqué» ce matin, dans sa classe de quatrième, confrontée à des élèves étonnés de constater que «c’était une vraie tête qu’on a vue sur les réseaux». «Sur internet, ils voient des horreurs qu’ils ne comprennent pas…», a-t-elle résumé sur twitter. Pour l’heure, aucun incident directement lié à la minute de silence n’a été signalé. Mais ils mettent «quelques jours» à remonter, explique la Rue de Grenelle. Professeur dans un collège public des Ulis (Essonne), Sophie a toutefois constaté que «plusieurs élèves musulmans étaient absents. Un nombre inhabituellement élevé».

» VOIR AUSSI - Samuel Paty: un hommage à la hauteur?

Samuel Paty: un hommage à la hauteur ? - Regarder sur Figaro Live

L’école a rendu hommage à Samuel Paty

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
122 commentaires
    À lire aussi