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Charlotte Lecocq : “Il y a urgence à s’attacher à la santé et à la qualité de vie au travail des agents publics”

La députée LREM Charlotte Lecocq revient sur les constats et préconisations du rapport de la mission sur la santé, la sécurité et la qualité de vie au travail dans la fonction publique, dont elle est coauteure.

Remis en octobre dernier à l’ex-Premier ministre Édouard Philippe, le rapport de la mission sur la santé, la sécurité et la qualité de vie au travail dans la fonction publique – dont vous faisiez partie – appelait à la mise en place d’un « système renforcé de prévention des risques professionnels ». Pourquoi ?
Parce qu'il y a tout simplement urgence à s’attacher à garantir la santé et la qualité de vie au travail de nos agents publics. Lors de nos auditions, nous avons eu plusieurs remontées d’agents qui nous ont alertés sur la situation au sein des secteurs où ils sont en place, notamment dans la fonction publique hospitalière. Même si les données ne sont pas assez consolidées, les situations de stress sont à la hausse dans le secteur public. Mais quand l’on travaille sur la qualité de vie au travail dans la fonction publique, on pointe en réalité la problématique de l’équilibre entre les contraintes auxquelles sont soumis les agents et les ressources dont ils disposent pour faire leur travail, et donc compenser ces contraintes. Les risques psychosociaux, notamment, trouvent donc leur source dans le déséquilibre entre ces contraintes et ces ressources. D’où les forts enjeux en matière d’organisation du travail. 

Ces enjeux relèvent de la responsabilité des employeurs publics, mais ceux-ci semblent, à vous entendre, avoir encore du mal à véritablement s’approprier ces sujets de la santé, de la sécurité et de la qualité de vie au travail ? 
Il faut d’abord mettre en évidence les multiples initiatives mises en place par certains employeurs publics en faveur de la santé de leurs agents. Mais la grande partie d’entre eux peinent encore à initier des démarches de prévention véritablement efficaces. À l’occasion de nos travaux, nous avons parfois eu l’impression que certains employeurs vivaient la prévention comme une contrainte plutôt que comme une opportunité pour leurs services, ce qu’elle est pourtant. Certains employeurs avaient, par ailleurs, du mal à cerner le concept de qualité de vie au travail, ce qui peut aboutir à de mauvaises appréciations. La mise en place d’un baby-foot, par exemple, ne répond pas aux vrais enjeux de l’organisation du travail ! L’exemple est un peu caricatural, mais il montre bien la nécessité d’un effort en matière de sensibilisation auprès des employeurs publics. 

Pensez-vous que ces enjeux de santé, de sécurité et de qualité de vie au travail vont être encore plus prégnants au cours des prochaines années dans le secteur public ? 
C’est évident, notamment pour les seniors et la prévention de leur usure professionnelle, mais aussi leur maintien en emploi. Idem pour les jeunes. Ceux-ci sont en attente de trouver du sens dans leur vie professionnelle et un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Quand on s’engage dans la fonction publique, on recherche du sens, mais encore faut-il que les employeurs publics soient au rendez-vous en matière de qualité de vie au travail. La crise sanitaire a encore davantage mis en exergue des dysfonctionnements connus de longue date et qu’il faut désormais prendre à bras-le-corps. 

Comment expliquez-vous que certains employeurs publics aient encore du mal à initier de véritables démarches de qualité de vie au travail et de prévention pour la santé de leurs agents ? Est-ce un problème culturel ou de moyens ? 
C’est, bien entendu, un problème culturel, mais c’est surtout un problème de savoir « quoi faire » et « comment faire ». Les employeurs publics ne doivent pas avoir peur de se remettre en question, d’ouvrir la boîte de Pandore et donc de se retrouver parfois face à des remontées critiques envers leur management. Outre des réponses immédiates, les démarches autour de la santé et de la qualité de vie au travail doivent s’accompagner de modifications des réalités du travail, sur le plan matériel, mais surtout sur le plan managérial. S’agissant des moyens mobilisés en faveur de la prévention en matière de santé et de qualité de vie au travail, ceux-ci restent malheureusement toujours insuffisants. 

Pourquoi considérez-vous dans votre rapport que la mise en place de démarches de prévention des risques professionnels constitue une « chance » ? 
C’est un vrai levier de performance, organisationnelle comme sociale. Les résultats sont probants pour les agents publics, les services dans lesquels ils sont et bien entendu, à terme, pour les citoyens. Plusieurs employeurs l’ont compris, mais il faut désormais que cette idée essaime davantage dans la fonction publique, et ce d’autant plus dans un contexte où les administrations sont soumises à de nombreux aléas et changements. La crise sanitaire a par exemple montré l’importance des agents publics, sur lesquels toute la nation a pu compter. Il est donc nécessaire de les valoriser et de les reconnaître dans leur rôle. Dans notre rapport, nous reprenions l’image des capitaines de vaisseau d’antan. Ceux-ci avaient compris que pour emmener leur navire vers de lointains horizons, il était indispensable d’avoir un équipage en bonne santé, et que ce dernier soit motivé à la fois par la destination, mais aussi par la place qu’on lui reconnaît dans l’aventure et les fruits qu’il en tirera. Cela vaut aussi dans la fonction publique aujourd’hui. 

Propos recueillis par Bastien Scordia

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