ENSEIGNEMENT - Depuis la rentrée universitaire 2020-2021, en raison de circonstances indépendantes de ma volonté, j’assume mon service d’enseignement exclusivement à distance. Paradoxalement, je peux aujourd’hui expérimenter une méthode que j’appelais hier de mes vœux sur le plan professionnel.
Mon retour d’expérience est important, à l’heure où les universités ferment leurs portes en présentiel, crise sanitaire oblige, et ouvrent la voie à l’enseignement intégral à distance.
De mon point de vue: l’horizon pédagogique s’élargit.
Je tiens d’ores et déjà à faire un point sur ce que j’ai pu constater par moi-même.
Une idée reçue
Avant tout, les heures passées à assurer le passage d’un cours du présentiel au distanciel m’imposent de tordre le cou à une opinion assez largement répandue: non, l’enseignement à distance ne demande pas moins de travail au professeur. Bien au contraire, et comme je le pressentais déjà, préparer en cours en distanciel exige une somme de travail conséquente.
Un cours en ligne doit être intégralement repensé pour s’assurer d’être suffisamment dynamique et interactif afin de maintenir l’attention des étudiants. Alors que mes cours étaient prêts à être dispensés en présentiel, tout a dû être repris pour garantir des supports de cours plus attractifs et plus adaptés à l’amphithéâtre virtuel. Les poches que j’essaye de camoufler comme je peux sous mes yeux l’attestent: je n’y suis pas allée à l’économie de moyens, humain ou informatique. J’avais pourtant l’habitude d’utiliser des diaporamas PowerPoint et d’intégrer un maximum d’interactions avec les différentes cohortes d’étudiants (des licences 1 au master), mais avec l’enseignement à distance, plusieurs crans supplémentaires devaient être franchis. Après avoir passé plusieurs jours à prendre en main mon amphithéâtre virtuel, multipliant les tests afin d’être le plus pertinente possible, il était temps de se jeter dans le bain.
Je ne suis pas mécontente du résultat qui est à la hauteur de l’investissement entrepris.
Ce que j’en retiens
- Des effectifs stables d’étudiants
Contrairement aux cours en présentiel où les effectifs se réduisent dès les toutes premières semaines, comme c’est le cas chaque année et auprès de tous les collègues, avec l’enseignement à distance, un nombre sensiblement stable d’étudiants est présent depuis le début.
- Un niveau élevé d’échanges
Si l’accent a été mis sur la forme, pendant les préparations de mes cours, en revanche, au moment des séances avec les étudiants, j’ai été très surprise de la qualité et du niveau des échanges. Rêve ultime de tous les professeurs: pendant les interactions avec les différentes promotions, le fond est mis à l’honneur. Les étudiants timides osent s’exprimer sur le fil de la conversation en formulant leurs questions ou leurs commentaires. Ceux qui préfèrent prendre le micro sont invités à le faire. Tout le monde peut participer, sur le mode qui lui convient le mieux. Chacun est libre de sa méthode de participation, les analyses sont échangées, étoffées, enrichies. Le savoir transmis progresse.
- Une interaction enrichie et renforcée
Les supports pédagogiques offerts par l’outil informatique sont plus importants qu’en présentiel: les bandes vidéo ou audio, les fréquents sondages pour s’assurer du suivi des étudiants, leurs retours réguliers sur les questions posées, l’utilisation plus poussée des ressources d’internet…
Il ressort de tout cela une interactivité supérieure aux cours en amphithéâtre accompagnée d’un niveau d’échanges bien plus élevé avec les étudiants. Tout cela, au prix d’un gros effort de préparation du cours de la part de l’enseignant.
Je ne dis pas que les rencontres en présentiel devraient être totalement exclues, les étudiants ont besoin de contacts, mais le plus gros du travail pourra être fait à distance.
L’outil virtuel au-delà de mes espérances
Ce qui m’attirait déjà préalablement avec l’enseignement à distance s’est révélé vrai. Et plus encore: l’outil virtuel est allé au-delà de mes espérances. Bien maîtrisé, il m’a ouvert sur des perspectives encore plus larges que celles auxquelles je m’attendais. Une méthode d’enseignement où la forme et le fond s’allient intimement au service d’un étudiant mis en avant, tout autant à l’écoute d’un savoir magistral qui lui est transmis qu’impliqué véritablement dans les réflexions qui peuvent en émaner.
En somme, je dirai que cette expérience menée malgré moi est néanmoins prometteuse pour l’avenir de l’enseignement supérieur par la voie dématérialisée.
À mes collègues
Je m’adresse par conséquent à mes collègues: n’ayez pas d’inquiétude, rassurez-vous. Avec un peu de pratique et une maîtrise des outils informatiques d’interaction, ce qui hier était agité par beaucoup comme l’affreux épouvantail de l’enseignement à distance deviendra un support réclamé tant par les professeurs que les étudiants. Tels sont l’enjeu et le défi que l’enseignement supérieur doit aujourd’hui relever: une formation en distanciel, solide et de qualité. Une Université renforcée par sa dynamique intellectuelle mise à profit dans l’intérêt de tous, personnels et usagers, avec des supports d’avenir.
L’Université est appelée à fortement évoluer. Nul doute qu’elle saura y parvenir.
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