Sandra Despujos est ingénieure et pédagogue. Ingénieure pédagogique. « Les gens passés par une école d’ingénieur ont le sentiment que j’usurpe leur titre. Mais il s’agit bien d’ingénierie, au sens où il nous faut trouver des solutions, s’adapter, gérer des projets en mobilisant des compétences technologiques », souligne celle qui dirige le service de diversification pédagogique au sein de CY Cergy Paris Université.

« Le cœur de mon travail consiste à aider les enseignants – avec ou sans recours au numérique - à scénariser un cours ou un module de formation pour rendre les étudiants acteurs de leur apprentissage », partage cette quadragénaire.

Aider les professeurs

Un enjeu d’autant plus essentiel dans le contexte actuel. Dès la rentrée, CY Cergy Paris Université a limité sa jauge à 50 % pour limiter les risques de contamination. Avant de devoir, avec le nouveau confinement, renouer avec le tout distanciel, déjà expérimenté l’an dernier à partir de mars.

Pour l’équipe de Sandra Despujos, qui compte six autres ingénieurs pédagogiques, il s’agit d’aider des professeurs - pas toujours à l’aise avec les outils digitaux - à adapter leurs cours de manière à entretenir l’engagement des étudiants, que ce soit en direct ou selon le rythme des apprentissages de chacun via une plateforme.

Convertir un cours magistral en module d’apprentissage à distance

Ce travail a été largement anticipé depuis des mois. Mais il faut encore aider certains enseignants à convertir une heure de cours magistral en un module d’e-learning à même de capter l’attention des étudiants.

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« Si on choisit la solution d’une classe virtuelle à laquelle tout le monde se connecte en même temps, on peut, en amont, mettre à disposition des documents écrits, audio ou vidéo, présentant les principaux éléments du cours qu’on aurait fait en amphi. Puis, au début de la séance, prévoir un sondage ou un questionnaire à réponses multiples pour permettre aux étudiants de déterminer s’ils les ont compris. On peut ensuite, toujours à distance et en direct, répartir les étudiants en sous-groupes et leur demander de proposer une contribution au débat… Pour ensuite reprendre la parole de manière plus classique afin d’introduire un nouveau concept. Avant de demander à quelques étudiants de dégager les principaux messages du cours », déroule-t-elle.

Admiratrice de la pédagogue Maria Montessori, Sandra Despujos est persuadée que « l’éducateur est là pour guider, en s’appuyant sur l’appétence, l’autonomie, la psychologie de la personne qui apprend. »

Faire évoluer la posture de l’enseignant

« J’ai le sentiment de faire bouger l’université, de faire évoluer la posture de l’enseignant », confie celle qui a longtemps enseigné l’allemand et le français langue étrangère hors des frontières de l’Hexagone, avant de dispenser des formations professionnelles, y compris en entreprise.

En quelques années, le métier d’ingénieur pédagogique s’est imposé dans le paysage universitaire. « La plupart des facs recourent à leurs services. Beaucoup proposent aussi des masters en ingénierie pédagogique », observe Sandra Despujos.

Pour l’heure, cette percée ne concerne pas directement les collèges et lycées. Quand bien même la question gagne en acuité, avec la perspective d’une possible fermeture de ces établissements. « Cette culture pourrait tout de même infuser peu à peu dans le premier et le second degré », espère Sandra Despujos, qui intervient au sein de l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation pour former les formateurs d’enseignants.