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La contestation contre le projet de loi sur la recherche relancée dans les universités

Le projet de loi de programmation de la recherche doit être voté ce mardi à l'Assemblée. Des chercheurs et enseignants-chercheurs ont appelé à une opération « Ecrans noirs », alors que la plupart des cours des étudiants se déroulent à distance. La qualification des enseignants-chercheurs et le délit d'intrusion dans les universités alimentent la contestation.

La programmation des moyens budgétaires prévus pour la recherche se fera finalement sur dix ans et non sur sept ans comme il avait été envisagé.
La programmation des moyens budgétaires prévus pour la recherche se fera finalement sur dix ans et non sur sept ans comme il avait été envisagé. (iStock)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 16 nov. 2020 à 10:40Mis à jour le 16 nov. 2020 à 19:28

Ce devait être un tournant, après des années de sous-investissement dans la recherche. Avec son projet de loi de programmation, l'exécutif avait promis un « investissement massif » de 25 milliards d'euros d'ici à 2030, pour faire passer le budget annuel de la recherche de 15 à 20 milliards par an .

Mais ce texte, qui doit être voté définitivement mardi à l'Assemblée, n'en finit pas de mobiliser contre lui des enseignants et enseignants-chercheurs. Alors que la plupart des cours se déroulent à distance en raison de la crise sanitaire, un appel de juristes relayé par quatre collectifs (Facs et Labos en Lutte, Rogue ESR, Sauvons l'Université et Université Ouverte) a appelé « l'ensemble des personnels à éteindre leurs écrans et à entrer en grève » depuis vendredi. L'opération « Ecrans noirs » - à laquelle le gouvernement se dit « très attentif » - pourrait se prolonger jusqu'au vote final au Sénat, selon ses organisateurs. A Paris, un rassemblement devant la Sorbonne est prévu ce mardi. Et une intersyndicale (CGT, FSU, FO, Sud, UNSA, CFDT, SNPTES...) a demandé lundi un rendez-vous « en urgence » au Premier ministre.

La qualification des maîtres de conférences

Les critiques existaient déjà sur le volet budgétaire et sur les nouveaux dispositifs créés par la loi - chaires de professeur junior et « CDI de projet ». Mais ce sont d'autres sujets qui ont mis le feu aux poudres, à l'issue d'une commission mixte paritaire conclusive, la semaine dernière.

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Le premier est réputé inflammable depuis de nombreuses années. Il concerne la qualification des maîtres de conférences par le Conseil national des universités (CNU). Avant de pouvoir enseigner, les titulaires d'un doctorat doivent être « qualifiés » par une instance nationale, le CNU. L'amendement du sénateur (UDI) Jean Hingray a introduit une expérimentation sur la possibilité d'y déroger, après une concertation « avec les principaux acteurs concernés ».

« Réviser la manière dont les professeurs sont recrutés »

« J'assume et je prends la responsabilité de mettre en oeuvre cette expérimentation et de conduire un travail qui permettra de réviser la manière dont les professeurs sont recrutés, a déclaré, jeudi, Frédérique Vidal, dans une tribune dans « Le Monde » . Au terme de cette expérimentation, et dans le même périmètre, se posera alors la question de sa pérennisation. »

Dans son entourage, le ton était toutefois à l'apaisement, vendredi matin. « Ce n'est pas une priorité de l'exécution de la loi. C'est une expérimentation, le gouvernement n'a pas voulu se saisir du sujet de la qualification », affirme un proche de la ministre, en renvoyant la responsabilité vers le Sénat qui a « voulu qu'on prenne le sujet à bras-le-corps ».

Le ministère de la Recherche ne veut « pas lancer des expérimentations bancales » et se dit prêt à « discuter avec tout le monde », même si cela prend « six mois ». Et si jamais il n'y a « pas de méthode ni d'établissements qui souhaitent s'emparer de la question et qu'il est impossible de l'expérimenter », il n'accordera pas de dérogation. L'histoire n'est donc pas terminée, d'autant que le Conseil constitutionnel devra se prononcer.

Pourquoi le gouvernement a-t-il fait volte-face sur ce sujet sensible ? Au début de l'année, l'exécutif disait qu'il n'était pas question de toucher au CNU , quand bien même le sujet avait été dans le programme d'Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle .

Délit d'intrusion

Un autre sujet nourrit les inquiétudes du milieu universitaire et de la recherche. Le texte prévoit un délit d'intrusion. Le fait de pénétrer ou de rester dans l'enceinte d'un établissement d'enseignement supérieur sans y être habilité ou autorisé, dans le but de troubler la tranquillité de l'établissement, serait passible d'un an de prison et de 7.500 euros d'amende.

Cette disposition peut-elle empêcher les blocages dans les universités ? Au ministère de l'Enseignement supérieur, on assure que non, car elle ne s'applique qu'aux personnes extérieures à l'établissement, et donc ni à ses étudiants ni à ses personnels. Elle vise en revanche à empêcher les intrusions extérieures, comme cela s'était produit en 2018, notamment sur le site de l'université parisienne de Tolbiac . Une telle mesure a-t-elle sa place dans une loi de programmation sur la recherche ? Le Conseil constitutionnel pourrait y voir un cavalier législatif.

Ces deux sujets éclipseraient presque le coeur de la loi : la programmation budgétaire. La trajectoire, qui avait un temps été envisagée sur sept ans , a finalement été ramenée à dix ans. « Les moyens ne sont pas au rendez-vous, a regretté la sénatrice socialiste Sylvie Robert, dans une vidéo sur Twitter. L'objectif de 3 % du PIB en dépenses pour la recherche, dont 1 % pour la recherche publique, ne sera pas atteint. »

Marie-Christine Corbier

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