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Menaces sur le financement de l'apprentissage

Le ministère du Travail veut couper dans les budgets des centres de formation faute de ressources suffisantes pour financer la hausse du nombre de contrats d'apprentis. Précipité et contre-productif, dénoncent les fédérations professionnelles. Rue de Grenelle, on affirme que rien n'est encore arrêté.

La réforme de 2018 a complètement revu le circuit de financement de l'apprentissage.
La réforme de 2018 a complètement revu le circuit de financement de l'apprentissage. (Jacques Witt/SIPA)

Par Alain Ruello

Publié le 16 nov. 2020 à 07:30Mis à jour le 16 nov. 2020 à 08:50

Numérique, bâtiment, artisans… l'inquiétude est de plus en plus palpable au sein des fédérations professionnelles dont l'apprentissage fait partie de l'ADN. Sauf revirement, le gouvernement s'apprête à réduire - de 6 % a minima, de près de 12 % au maximum - les ressources des centres de formation d'apprentis (CFA), au risque de donner un coup de frein brutal à cette filière d'enseignement par alternance pourtant érigée en priorité du quinquennat.

La décision doit être entérinée lors du conseil d'administration de France compétences - l'instance de régulation de la formation professionnelle - du 17 décembre. Elle portera sur tous les contrats signés à compter du 1er juillet 2021 et privera les CFA de plusieurs centaines de millions d'euros, avec un impact marqué pour ceux qui délivrent des diplômes du supérieur.

Pour rappel, la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de 2018 a dynamité le circuit - devenu complètement opaque avec le temps - de financement de l'apprentissage. Les régions ont été sorties du jeu au profit des partenaires sociaux, sous la supervision de France compétences, instance contrôlée par l'Etat créée à cette occasion. Le financement des CFA est assuré grâce à une fraction de la cotisation formation employeur : à chaque fois qu'un jeune signe un contrat, le centre perçoit une somme - appelée « coût contrat » - censée couvrir ses frais pédagogiques et de structure, selon un barème national par diplôme dont France compétences garantit l'homogénéité.

Rapport Igas/Igf

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La libéralisation du secteur enclenchée par la réforme couplée à une situation économique porteuse a produit ses effets : le nombre de contrats a progressé de 16 % en 2019, à près de 370.000, un record (aidé aussi par la bascule de contrats de professionnalisation, l'autre voie de l'alternance). Sauf à ce que le deuxième confinement ne rebatte les cartes, le millésime 2020 devrait faire aussi bien (en nombre de contrats) grâce aux aides exceptionnelles de l'Etat pour l'embauche d'un apprenti ( jusqu'à 8.000 euros ).

Problème, les ressources de France compétences ne peuvent pas supporter un tel engouement, comme l'a souligné un rapport des inspections générales des finances (Igf) et des affaires sociales (Igas) . A tel point que l'Etat a dû faire un chèque de 750 millions pour que le régulateur passe l'hiver. Remis en février, ce rapport a végété pendant le premier confinement avant que l'équipe Castex n'arbitre fin juillet : augmenter la cotisation employeur étant exclu, il faut couper dans les dépenses. « Précipitation totalement contre-productive pilotée par une logique purement budgétaire et qui risque de mettre des CFA dans le rouge », dénoncent en substance plusieurs fédérations sondées par « Les Echos » qui réclament du temps pour réviser les coûts contrats.

Diplômes du supérieur dans le viseur

Concrètement, le ministère du Travail doit trancher entre deux options d'ici au 17 décembre. La première consiste à assigner à chaque branche un objectif de diminution des « coûts contrats » de ses CFA de 3 % par an au global pendant quatre ans (soit 11,5 % en cumulé), suivant en cela la proposition numéro 11 du rapport. La seconde est plus dure mais tiendrait la corde : moins 6 % tout de suite et plus rien pendant au moins deux ans.

Autre arbitrage, potentiellement explosif avec l'Education nationale et des fédérations, comme Syntec numérique : fixer un plafond de prise en charge pour les diplômes du supérieur, toujours selon les recommandations des deux inspections pour rééquilibrer l'apprentissage vers les certifications de niveaux inférieurs.

Contacté, le ministère du travail fait savoir que rien n'est encore arrêté. « Il n'est pas question de casser la dynamique de l'apprentissage, mais il est dans l'intérêt de tous que le système se régule », fait-on savoir dans l'entourage d'Elisabeth Borne.

Alain Ruello

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