La santé fait sa révolution étudiante

Aix-Marseille Université a essayé d'anticiper les grandes réformes qui sont ou vont être prochainement mises en place, et qui devraient modifier en profondeur les formations menant aux métiers de la santé

Aix-Marseille Université a essayé d'anticiper les grandes réformes qui sont ou vont être prochainement mises en place, et qui devraient modifier en profondeur les formations menant aux métiers de la santé

Crédit photo : Aix-Marseille Université

Aix-en-Provence

Les études de santé font actuellement ou vont prochainement faire l’objet de réformes d’ampleur, chamboulant tous les cycles de formation en profondeur

Les études de santé sont en pleine transformation, dans la forme comme dans le fond. Surtout, ces évolutions d’ampleur concernent les trois grands échelons de la formation médicale. "Nous vivons en effet une réforme du premier cycle des études de santé avec la mise en place du PASS et L.AS, qui désignent respectivement le Parcours Accès Santé Spécifique et la Licence avec option "Accès Santé", et la disparition du numerus clausus. Quasiment dans le même temps, nous aurons une réforme du deuxième cycle des études de santé qui, elle, interviendra à la rentrée 2021. Jusqu’à présent, il y avait un concours national classant au terme de la sixième année. Cela permettait aux étudiants d’accéder au troisième cycle, de choisir leur spécialité et la ville dans laquelle ils souhaitaient la réaliser. La réforme a pour but de diversifier la manière suivant laquelle les étudiants sont classés : pas uniquement une évaluation théorique en fin de sixième année, mais en fin de cinquième année avec l’ajout d’une évaluation des compétences, notamment à travers un outil de simulation, ainsi qu’une part de projet professionnel. Et, depuis la rentrée 2017, nous sommes aussi dans une réforme du troisième cycle. Elle divise l’internat en trois parties avec une première phase appelée "phase socle", une phase intermédiaire dite "d’approfondissement", et une phase terminale nommée "phase de consolidation" pour laquelle un nouveau statut est apparu : le "docteur junior", qui permet aux internes d’être de plus en plus responsables et autonomes pour réaliser leur spécialité. Nous vivons donc une période assez inhabituelle car, d’ordinaire, quand nous avions une réforme, nous l’appliquions pour la première année et cela suivait, alors que là, nous avons une réforme dans la transversalité", explique Georges Léonetti, le doyen de la faculté des sciences médicales et paramédicales d’Aix-Marseille Université, qui était l’invité d’honneur d’un événement organisé par le HubSanté La Provence, s’étant déroulé mardi dernier.

La disparition du numerus clausus

Le doyen a notamment fait un focus détaillé sur "la réforme la plus emblématique" : la disparition du fameux numerus clausus. "Il a été décidé de le supprimer pour deux raisons principales. La première a été de diversifier l’origine des étudiants en médecine. Quand nous regardions les effets du numerus clausus, nous constations que plus de 95 % des étudiants qui réussissaient sortaient d’études scientifiques avec mention. Nous avons ainsi essayé de diversifier la population médicale. Deuxième élément : le numerus clausus et la Paces, la première année commune aux études de santé, permettaient aux étudiants de candidater à deux reprises pour se présenter aux études de santé. Dans l’hypothèse d’un échec, ils se retrouvaient avec deux années au cours desquelles ils n’avaient valorisé que très peu d’acquis. Aujourd’hui, cette réforme permet vraiment de faire en sorte que les étudiants n’aient pas de rupture dans leur cursus, et qu’ils puissent avoir un continuum de manière à bénéficier des acquis de leur formation."

Interrogé sur les objectifs de ces différentes réformes, le doyen de la faculté des sciences médicales et paramédicales d’Aix-Marseille Université a mis en avant "la volonté, pour le premier cycle, de faire en sorte que les étudiants ne perdent pas de temps face à des échecs potentiels pour entrer dans des études sélectives. Concernant le deuxième et le troisième cycle, ces réformes ont pour but d’évaluer les connaissances et les compétences des futurs professionnels de santé." Et d’ajouter, sous la forme d’une confidence : "c’est ce qu’il fallait faire mais je regrette qu’on essaie de tout faire en même temps, avec donc une vraie difficulté à mettre en place les réformes en ayant toujours en tête l’intérêt des étudiants…"

Les réformes des professions médicales

Georges Léonetti a également évoqué les réformes concernant les professions paramédicales, en particulier le métier d’infirmière. "Depuis quelques années, le problème de "l’universitarisation" des professions paramédicales est dénoncé. Il est apparu intéressant, notamment pour répondre aux problématiques de démographie médicale, de créer une profession intermédiaire car il n’y a "rien" entre l’infirmière de bac+3 et le médecin. Il a ainsi été mis en place "l’infirmière de pratique avancée", avec un diplôme d’État qui permet, dans des cadres bien définis, d’avoir des professionnels de santé de niveau intermédiaire. Il s’agit d’une façon de répondre à la problématique de demande de soins, et surtout de vraiment évoluer vers une pratique de plus en plus interprofessionnelle, avec une prise en charge du patient par une équipe plutôt que par un praticien uniquement."

Face à ces différentes évolutions amorcées ou envisagées, les établissements universitaires ont tenté de rapidement s’adapter. "Nous avons essayé, au niveau d’Aix-Marseille Université, de les anticiper et de les accompagner puisque la faculté de médecine a été remplacée par une faculté médicale et paramédicale qui comprend quatre écoles : une de médecine ; une de maïeutique ; une des sciences infirmières où nous participons à la formation initiale des infirmières sur un certain nombre d’unités d’enseignement dites fondamentales, et nous avons été une des premières universités françaises à diplômer ces personnes avec la mise en place d’un master santé ; et enfin une école des sciences de la réadaptation, qui couvre quatre filières de formation : orthophonie, orthoptie, ergothérapie et masso-kinésithérapie. De plus, nous ouvrons au mois de septembre l’école de pédicure-podologie, pour avoir un tout global sur les formations du secteur médical et paramédical !", annonce le doyen.

Et de conclure son propos en affirmant : "Tout l’enjeu de cette structuration est d’essayer de mettre de la transversalité et de l’interprofessionnalité dans le cadre de la formation, car nous sommes à peu près persuadés que, si les différents professionnels de santé se côtoient sur les bancs de la faculté, la prise en charge par un groupe de professionnels des patients sera beaucoup plus personnelle et se fera de manière beaucoup plus efficiente !"

Une rentrée adaptée et une organisation de concours à déterminer

Dans le contexte si particulier provoqué par la crise engendrée par le coronavirus, Aix-Marseille Université a dû s’organiser avec une rentrée adaptée. "Elle s’est finalement pas mal passée. Nous avons pu nous adapter au contexte sanitaire", précise ainsi Georges Léonetti. "Jusqu’à présent et avant le coronavirus, nous réalisions l’ensemble des enseignements à la Timone avec des étudiants présents dans un amphithéâtre, et un enseignement du professeur relayé dans trois autres amphis. Nous avons commencé la rentrée de septembre de cette manière avec, bien évidemment, l’obligation de porter le masque pour l’ensemble des étudiants et, au fur et à mesure que la contrainte sanitaire a augmenté, nous avons équipé les amphithéâtres pour qu’on ait une transmission en direct sur une plateforme de l’université. Du coup, aujourd’hui, nous avons des étudiants qui sont présents sous deux conditions : d’une part, être boursier, d’autre part, être en "fracture numérique". Tous les autres étudiants sont à distance. Cela nous permet de résoudre le problème de l’enseignement, mais nous arrivons au mois de décembre avec l’organisation du concours. Au mois de juin, je le rappelle, nous avions été obligés d’organiser le concours au Parc Chanot. Vraisemblablement, nous risquons d’être obligés d’aller vers cette contrainte-là, ce qui n’est pas sans répercussion financière dans l’organisation de ces concours…", a confié le doyen de la faculté des sciences médicales et paramédicales d’Aix-Marseille Université.