Confinement saison 2. Comme au printemps, musées et galeries sont fermés. La vie est ralentie ou empêchée. Quelle est aujourd’hui la vie des artistes plasticiens, dont le sort préoccupe bien moins les institutions publiques que celui du spectacle vivant ? Comment créer dans des ateliers clos sur eux-mêmes ? Comment montrer le travail ? Ces questions, nous les avons posées très souvent, depuis mars, dans les ateliers quand ils étaient accessibles ou, à défaut, dans des conversations de vive voix ou par mail. Plus la collecte s’est prolongée, plus il est apparu que les expériences tantôt se rejoignent et tantôt se contredisent. Ni l’âge ni le degré de notoriété n’expliquent ces divergences, mais souvent les formes d’art pratiquées par les uns et les autres. Face à la question « comment vivez-vous cette situation ? », il y a les peintres et les autres.
Les premiers, plus ou moins nettement, sont d’accord avec David Hockney quand celui-ci déclarait cet été, avec un sourire rayonnant, avoir adoré être confiné dans son atelier en Normandie. Dans le sien, à l’étage d’une ancienne usine de Montreuil (Seine-Saint-Denis), Stéphane Pencréac’h a presque les mêmes mots. « J’allais tous les jours à pied de la maison à l’atelier. Plus de sollicitations, plus d’interruptions. Rien que la création. » On le croit d’autant plus que la place lui manque désormais pour tout à la fois accrocher ses dernières peintures, dans lesquelles, comme à son habitude, il tient la chronique de notre actualité la plus tragique, et disposer aussi ce qu’il appelle des « capsules d’histoire », constructions brutales d’images et de bouts de bois. Il est vrai que Pencréac’h est un artiste depuis longtemps reconnu, qui a pu s’appuyer sur plus de vingt-cinq ans de travail pour tenir.
Mais de plus jeunes font le même récit. De l’atelier qu’il a aménagé dans une ferme du Perche, Djabril Boukhenaïssi, né en 1983, diplômé des Beaux-Arts de Paris en 2018, apporte cinq gravures glaçantes sur le thème de l’immolation par le feu, qui s’est imposé à lui après le geste de l’étudiant Anas à Lyon, il y a un an. Dans le même temps, il a aussi consacré une suite de vingt œuvres sur toile aux Hymnes à la nuit (1800), de Novalis, poursuivant un travail engagé avant le début de sa retraite forcée.
Ymane Chabi-Gara, artiste : « Comme l’isolement me convient bien, je crois que j’ai mieux travaillé qu’avant »
Plus jeune encore, née en 1986, Ymane Chabi-Gara a obtenu en octobre son diplôme aux Beaux-Arts, avec une suite de tableaux sur le thème des hikikomori, ces jeunes Japonais qui décident de se couper de la société et de s’enfermer chez eux. « Comme je travaille chez moi, dit celle qui habite en banlieue parisienne, je n’ai eu aucun problème. Et comme l’isolement me convient bien, je crois que j’ai mieux travaillé qu’avant. »
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