Entre la majestueuse cathédrale du XVIe siècle et l’université fondée en 1218, de petits groupes d’étudiants arpentent les rues illuminées du centre historique de Salamanque, pour se diriger, d’un pas pressé, vers leur domicile. Il est bientôt 22 heures, l’heure du couvre-feu approche. A Salamanque, la vie étudiante, chronométrée, en sursis ou sous ultimatum, n’a plus le même goût. Et, depuis le 6 novembre, le gouvernement régional de Castille-et-Léon a imposé la fermeture de tous les bars et restaurants pendant quinze jours renouvelables…
« J’ai l’impression d’être passé à côté de la vraie Salamanque », regrette Benjamin, étudiant de Science Po Bordeaux de 19 ans, venu en Erasmus en octobre, qui vient de passer dix jours confiné dans sa résidence après avoir eu le Covid-19. La vraie Salamanque ? Une ville jeune et multiculturelle, gaie et animée, qui vie et vibre au rythme des universités. Alors qu’elle ne compte que 145 000 habitants, elle accueille d’ordinaire, chaque année, 32 000 étudiants dans ses universités, auxquels il faut ajouter les 35 000 élèves étrangers qui viennent suivre des cours de langue. Cette année, pour cause de Covid-19, près d’un tiers des élèves Erasmus inscrits ne sont pas venus, sans compter ceux qui n’ont même pas pris la peine de s’immatriculer. Au total, l’université de Salamanque (USAL) en attend 479 cette année − ils étaient deux fois plus l’an dernier… Quant aux élèves des cours d’espagnol, ils sont dramatiquement absents.
Dans la ville, qui compte un taux d’incidence de plus de 1 000 cas pour 100 000 habitants, les activités sont restreintes. Et l’ambiance, forcément, s’en ressent. « Quand on est arrivé, les bars fermaient à 1 heure du matin, puis à minuit, ça allait encore, surtout qu’après on pouvait rester dans la rue ou aller à des afters dans des appartements », renchérit Paul, 20 ans, de Sciences Po Bordeaux lui aussi. On l’a rencontré devant les portes du bar Daniel’s, repaire habituel des universitaires étrangers, deux jours avant la fermeture des bars. « Avec le couvre-feu à 22 heures et les réunions limitées à six personnes, on peut encore vivre… Mais là, tout ferme. Pour nous, cet Erasmus en Espagne, c’est un peu du gâchis… », confie-t-il tandis qu’une voiture de la police municipale passe au ralenti et que le patron du bar sort dire au groupe qu’ils ne peuvent pas emmener leur verre dehors.
Ulrich, 25 ans, étudiant dans une école de commerce bordelaise, inscrit en quatrième année d’économie, regrette surtout de « ne pas pouvoir socialiser : en cours, on est séparé d’un mètre cinquante, on ne peut pas vraiment faire connaissance », mais il se console en pensant que « c’est quand même mieux qu’en France : au moins, on n’est pas confiné et les cours sont en présentiel ». « En droit, seulement la moitié des cours a lieu à la fac », tient à nuancer Paul.
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