Handicap. La formation, un passeport pour l’emploi

L’accès des personnes handicapées aux qualifications ressemble souvent à un parcours semé d’embûches, mais la création de passerelles et de partenariats permet d’envisager l’avenir avec un peu plus d’optimisme.

Il y a désormais un référent handicap dans chaque CFA : un contact supplémentaire, à privilégier, pour l'étudiant.
Il y a désormais un référent handicap dans chaque CFA : un contact supplémentaire, à privilégier, pour l'étudiant.

    Par Muriel Jaouën

    « Les jeunes ne doivent plus hésiter à déclarer leur handicap, quel qu’il soit. » Le directeur général de l’Ecole de Paris des métiers de la table (EPMT), Ismaël Menault, l’affirme : les voyants sont au vert pour la formation professionnelle des jeunes handicapés. A l’EPMT, ceux-ci représentent 6 % des inscrits aux formations en apprentissage, du CAP à bac +5. « Des progrès considérables ont été faits en quelques années. Les écoles bénéficient d’aides leur permettant de financer les compétences et les équipements nécessaires à des programmes de qualité. Et les employeurs sont de plus en plus nombreux à s’investir, se félicite Ismaël Menault. Le taux d’insertion professionnelle de nos apprentis handicapés atteint désormais 70 %. »

    L’apprentissage, priorité de l’Etat

    C’est bien parce qu’ils constituent de puissants leviers d’insertion que l’apprentissage et l’alternance sont devenus une priorité gouvernementale, qui vise l’augmentation du nombre de jeunes handicapés accueillis dans les centres de formation d’apprentis (CFA).

    Chaque CFA, d’ailleurs, doit nommer un référent handicap, depuis l’an passé.

    Mais l’accès des personnes en situation de handicap à la formation et aux qualifications doit être envisagé dans sa globalité. Les défaillances au début de la chaîne se répercutent plus fortement encore au stade des études supérieures. Les jeunes handicapés sont deux fois moins nombreux que l’ensemble de la population à accéder à un niveau égal ou supérieur au bac. Plus le niveau monte, plus leur ascension est freinée : ils sont sous-représentés au niveau licence, et leur part diminue nettement en master et en doctorat. 70 %. »

    Logique de professionnalisation

    Pour autant, des progrès sont enregistrés, avec des partenariats entre les entreprises et le tissu scolaire et universitaire pour bâtir des programmes dédiés. Des missions handicap et des bureaux d’aide à l’insertion professionnelle (BAIP) ont été créés dans les universités. Enfin, plus d’un campus de grande école sur deux a son référent handicap.

    Quel que soit le niveau de la formation, la logique de professionnalisation prévaut. « Les passerelles se multiplient pour créer des parcours répondant à la fois aux besoins des entreprises et aux contraintes des candidats à l’embauche », souligne Maryna Paynot, responsable de la mission Hand’IGS du groupe de formation IGS. Et de citer le partenariat noué avec Randstad : Hand’IGS forme cette année 20 personnes au métier de consultant pour le compte de l’enseigne d’intérim. Ce parcours diplômant de niveau bac +3 a été conçu pour des trentenaires en reconversion, destinés à rejoindre Randstad en CDI.

    Intégrateur web, un métier à découvrir

    Autre nouveauté à signaler : O’clock, une école proposant des formations à distance aux métiers du numérique, lancera en février 2021 la première formation à distance au métier d’intégrateur web exclusivement dédiée aux personnes handicapées. Elle s’est alliée avec Tanaguru, organisme œuvrant pour l’accessibilité digitale. Le cursus certifiant de quatre mois est gratuit et est ouvert à une cinquantaine de personnes, quelle que soit leur pathologie, pour peu qu’elle ne soit pas incompatible avec la pratique du métier. « L’obsession, c’est que chacun ait un job ou un stage au terme de sa formation », souffle Dario Spagnolo, le président d’O'clock.

    Le chiffre : 800 € / Abondement annuel du compte personnel de formation pour les personnes handicapées et les personnels des Esat

    Témoin : « Je ne redoute pas ma future insertion »

    Yemissi Chabi / 32 ans, étudiante en master 2 urbanisme et aménagement à Lille

    « Après une licence et des expériences en entreprise, j’ai fait le choix de reprendre mes études. Malentendante, j’ai mentionné mon handicap dès l’inscription, ce qui m’a permis d'être orientée vers le bureau de la vie étudiante handicap (BVEH) et l’association Handifac, qui accompagne les jeunes comme moi dans leur intégration et contribue à améliorer les conditions de vie étudiante.

    En temps de confinement, elle m’a permis de garder le lien avec ses membres, via les réseaux sociaux. Handifac m’a aussi orientée vers le service d’insertion professionnelle de l’université pour m’aider dans la rédaction de mon CV et de ma lettre de motivation. Grâce à son réseau de partenaires, l’association m'épaule dans ma recherche de stage. Je bénéficie sinon d’un aménagement d'études, et j’ai réorganisé mon emploi du temps.

    Je crois en mes compétences. Les connaissances acquises à travers ma formation théorique et pratique m’y préparent pleinement. Je ne redoute pas ma future insertion professionnelle. Mon handicap peut même constituer un atout dans le cadre professionnel : malentendante, je suis plus attentive, je me focalise sur l’essentiel.

    J’ai aussi l’avantage de la discrétion et de la confidentialité dans mes échanges. La principale difficulté que je rencontre ? Le manque de « boucles magnétiques » (NDLR : des équipements améliorant le confort d'écoute des malentendants). Je m’efforce de rappeler à ceux avec qui je communique de parler plus fort et en face, et je privilégie l'écrit. Pour autant, je n’ai pas connu de difficultés d’intégration lors de mes expériences précédentes. Si les aménagements nécessaires sont mis en place, tout se passe bien. »

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