«Je travaille tous les jours jusqu’à 23h. Je ne m’autorise qu’une soirée de pause hebdomadaire. Il faut se donner à fond et dans la durée», explique Axel, qui s’est lancé dans la bataille des études de médecine. Le jeune Lillois le sait: l’accès à la filière sera toujours restreint malgré la suppression, en septembre 2020, de la Paces, la très décriée première année commune aux études de Santé.

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Trois mois après la mise en place de la réforme, les organisations étudiantes affirment que «l’objectif de diminution des troubles psycho-sociaux n’est pas atteint, bien au contraire». De plus, le flou subsiste sur les nouvelles modalités de sélection.

Deux licences possibles

Axel s’accroche. Bachelier scientifique convaincu d’avoir la vocation médicale, il a opté pour le Pass, le parcours spécifique santé, l’une des deux principales voies d’accès aux filières MMOPK (médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie et kiné). En «mineure», Axel a opté pour les Sciences de la vie et de la Terre (SVT), qu’il affectionnait au lycée. Si le jeune homme ne passe pas le cap de la sélection en PASS, il pourra alors poursuivre ses études en licence de sa «mineure». La L.AS, licence avec option «accès santé», constituée d’une majeure au choix (droit, éco, psycho..) et d’une mineure santé, représente l’autre voie post-bac pour accéder à ces métiers.

Cette réforme a pour but de favoriser la poursuite d’études en cas d’échec, et permet de favoriser les étudiants moins scientifiques. De quoi booster la motivation de Sarah, étudiante en PASS à Besançon et titulaire d’un bac ES (économique et social). «C’est positif. En «mineure», j’ai choisi le droit car il s’agit d’une discipline proche de ce que je faisais au lycée. En «majeure» santé, on fait beaucoup de sciences mais je n’éprouve pas d’appréhension», raconte la jeune Bisontine.

Les étudiants, surchargés, délaissent leur mineure

Mais les organisations étudiantes en santé, dont l’Association Nationale des étudiants en Médecine de France (l’ANEMF) regrettent que les universités se soient contentées de transposer en PASS le programme de la PACES à l’identique ou légèrement allégé. Or certains enseignements étaient jugés inutiles, rappellent-elles dans un bilan de la mise en place de la réforme publié mi-novembre. En PASS, la charge de travail reste la même qu’en PACES mais avec la mineure en plus. Résultat: les étudiants, surchargés, «délaissent leur mineure, afin de se concentrer sur les enseignements de santé pour le PASS et inversement pour les L.AS», note le rapport. Ce qu’Axel cherche à éviter à tout prix. «Une moyenne en dessous de 8 est éliminatoire. Ce qui rajoute une certaine difficulté».

Je me demande si je travaille suffisamment 

Aude, étuiante en Las

Cette «année test» a de quoi désorienter, renchérit Aude, 22 ans, en L.AS SVT à Lyon. Déjà passée par un Bachelor et un BTS en diététique, la jeune fille avait arrêté sa PACES en cours de route il y a quelques années. «Lorsque vous arriviez en PACES, on vous disait que si vous n’aviez pas décroché la mention très bien au bac, aucune chance de réussir. En L.AS, on n’entend pas ce discours», explique l’étudiante. Mais en revanche il est «difficile de se situer par rapport au reste des candidats, je ne sais pas qui est en L.AS, qui en licence classique. Ni quelle est la masse de travail abattue par les autres. Je me demande si je travaille suffisamment».

Aucune coordination entre les voies d’entrée

La difficulté d’obtenir des informations précises sur les dates et les modalités des examens, la méthode de notation, l’organisation de l’année, angoisse. «Lorsque les étudiants en L.ASS posent des questions à leur UFR de rattachement personne n’est parfois capable de leur répondre. Silence radio aussi du côté des UFR Santé car celles-ci considèrent qu’il ne s’agit pas de leurs étudiants», alerte Loona Mathieu, vice-présidente de l’ANEMF. Selon le rapport publié par les organisations étudiantes, «Il n’existe aucune coordination entre les différentes voies d’entrée. Il semblerait que la réforme se soit imposée aux autres composantes, sans qu’elles en comprennent réellement le fonctionnement et les enjeux».

La fin du règne des seuls QCM

Si certaines universités prennent en compte le contrôle continu des connaissances, la plupart organisent des partiels. Les étudiants ne seront plus simplement évalués via les fameux QCM, questionnaires à choix multiples, mais des épreuves rédactionnelles et des oraux seront introduits. L’innovation vise à mettre en exergue les compétences relationnelles des futurs soignants.

Comment les candidats seront-ils départagés? Concrètement, il y aura deux groupes d’épreuves. À l’issue du premier groupe, ceux qui ont obtenu des notes supérieures à un seuil défini par le jury pourront directement passer en deuxième année des études médicales. Parmi les autres, les meilleurs d’entre eux se présenteront aux épreuves d’admissibilité: deux oraux de 20 minutes. Enfin, les moins performants seront considérés comme non admissibles.

Des oraux qui restent peu clair et peu précis

Or, selon les organisations étudiantes, «les trois quart des UFR n’avaient pas voté les modalités de ces oraux, un mois après la date limite légale pour les définir». Dans les UFR qui les ont votées, «elles restent peu claires et précises», déplore le rapport.

Ce qui angoisse les étudiants. Et complique la tâche des tutorats qui les accompagne alors que les demandes d’aide explosent. Et que ceux-ci doivent désormais «préparer l’ensemble des étudiants et de manière équitable, qu’ils soient en PASS, en LASS ou redoublants de la PACES», explique Audrey Monnier, vice-présidente de l’ANEMF.

Flou sur le nombre de places en deuxième année

Par ailleurs, le flou subsiste quant au nombre de places ouvertes pour la poursuite des études dans les filières de la Santé. Le numerus clausus, ce dispositif qui régule l’entrée en deuxième année, est formellement supprimé. Mais le nombre d’étudiants admis dans ces cursus, qui restera toujours limité, sera déterminé par les universités en lien avec les ARS (Agences régionales de santé) en fonction des besoins des territoires mais pas seulement. «Ce nombre sera augmenté dans la limite des capacités de formation des universités. Et certaines sont déjà surchargées», reprend Loona Mathieu.

Selon les organisations étudiantes en Santé, la réforme est en train de passer à côté de ses objectifs. Elles ont lancé la campagne #PronsticMentalEngagé pour alerter sur la souffrance psychologique des étudiants.