A 55 ans, le général d’armée aérienne Philippe Lavigne est, depuis le mois de juillet, le premier chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace (AAE). Alors que doit se tenir, mardi 24 novembre, le colloque annuel de l’AAE, il détaille comment la France se prépare à un éventuel conflit de « haute intensité » en la matière. C’est à dire un conflit majeur entre Etats mobilisant l’ensemble des moyens militaires.
Quelles sont les évolutions des conflits en cours qui, vus du ciel et de l’espace, vous obligent à vous adapter ?
Avec la guerre en Syrie, durant ces dix dernières années, le contexte a changé. La Russie se déploie. La Turquie bouge. L’Iran aussi. Nous assistons à une démonstration de force des grandes puissances, à une contestation des espaces aériens, à une diversification des menaces et à une désinhibition dans l’emploi de la force.
Des bombardiers russes à long rayon d’action partent du Grand Nord et descendent le long de nos côtes jusqu’à l’Espagne, ou passent par la mer Noire, et remontent en Méditerranée. L’année 2020 a vu la démonstration de force d’un avion russe qui a effectué plus de vingt-cinq heures de vol en Russie. L’élément marquant est la densification des défenses sol-air et leur combinaison avec l’aviation de combat, ainsi que l’emploi de plus en plus important des drones.
Les mêmes démonstrations ont lieu dans l’espace. Inde, Russie et Chine disposent de la capacité de détruire un satellite depuis le sol. Nous avons observé deux satellites russes se rapprocher très près l’un de l’autre, dans les basses couches de l’atmosphère. Cela démontre leur capacité d’approche et d’écoute de nos satellites. Ces capacités nouvelles sont impressionnantes.
Pour conserver la « liberté d’action » que demandent nos autorités politiques, nous devons donc garder notre supériorité opérationnelle, afin de pouvoir agir militairement au sol ou en mer avec un risque beaucoup plus faible. L’armée de l’air et de l’espace, aujourd’hui, est sur tous les théâtres : en Afrique, au Levant, à l’est en Europe (dont la mer Noire), dans l’Indo-Pacifique.
Comment prendre en compte la menace terroriste des drones sur le territoire national ?
Nous travaillons sur des dispositifs multicouches [du plus bas au plus haut de l’espace aérien] à base de moyens antidrones, mais aussi de missiles de très courte portée, courte portée et moyenne portée, car il s’agit aussi de pouvoir traiter les menaces aériennes plus classiques. Ces moyens sont nécessaires pour protéger nos populations, nos bases et nos forces. L’enjeu est de coordonner tous les moyens de l’Etat.
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