Sociologue et professeur associé à Sciences Po, Julien Damon est spécialiste des questions sociales, et particulièrement de la pauvreté et du sans-abrisme. En 2008, il a été rapporteur général du Grenelle de l’insertion. Pour soutenir les jeunes durant la crise actuelle, il suggère que des prêts garantis par l’Etat leur soient proposés ou qu’un capital de départ leur soit versé.
Les jeunes sont-ils les premières victimes de la crise ?
Oui, et son impact est encore à venir. Certes, aujourd’hui, les amortisseurs mis en place semblent fonctionner : chômage partiel, primes à l’embauche, aides à l’apprentissage… De sorte que la déflagration du chômage n’est pas encore arrivée en France. Ce qui touche les jeunes au premier chef, c’est l’effondrement des petits boulots. Or, cela n’apparaît pas toujours dans les statistiques sur le travail formel. Un effort substantiel en faveur de la jeunesse est légitime.
Le gouvernement a-t-il apporté une réponse à la mesure de l’enjeu ?
Les sommes injectées pour aider les victimes de la crise sont colossales. Les dépenses publiques n’ont jamais atteint un niveau aussi élevé. Le plan de relance à lui seul pèse 4 % du produit intérieur brut. Il représente le montant du déficit de l’Etat il y a peu. Le plus gros volet de ce plan est consacré à la cohésion, avec notamment 7 milliards d’euros destinés à la jeunesse et 8 milliards à la sauvegarde de l’emploi. Ce sont des efforts importants. Une question est celle de leur soutenabilité. Que se passera-t-il demain ? On sait par ailleurs qu’une entrée tardive sur le marché du travail, des salaires plus faibles à l’embauche et des conditions de travail dégradées se retrouvent sur toute une carrière.
Faut-il élargir le RSA aux moins de 25 ans ?
Accorder le RSA [revenu de solidarité active] aux jeunes, en dehors des cas prévus pour ceux déjà parents ou ayant déjà beaucoup travaillé, est un serpent de mer. Mais c’est un sujet légitime aujourd’hui. Pour autant, je ne pense pas que ce soit l’outil idéal. Il ne bénéficie ni du soutien de la majorité ni d’une très bonne image dans l’opinion. Souvenons-nous que, lors de sa création, il avait été décidé que le RSA [alors appelé RMI, pour revenu minimum d’insertion] ne serait pas ouvert aux jeunes afin qu’ils ne viennent pas compter, selon le mot de Michel Rocard, parmi les « abonnés de l’assistance ».
Il me semblerait plus judicieux de lancer, comme on l’a fait pour les entreprises – et pour des montants très importants –, des prêts garantis par l’Etat en faveur des jeunes, avec un plan de remboursement qui démarre lorsque ceux-ci sont en mesure de gagner leur vie. Le dispositif ne coûterait pas forcément très cher, puisqu’il s’agit d’une garantie et non d’une allocation. Il est audible dans le débat public. Il représente un véritable investissement en faveur des jeunes, changeant à la fois leur quotidien et leurs perspectives.
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