Puisque l’heure est aux cours à distance – et ce, au moins jusqu’au 4 février 2021 pour les universités –, nous avons appliqué les règles à la lettre et opté pour un reportage entièrement virtuel. Jean Jacob, maître de conférences en science politique à l’université de Perpignan, est au bout du fil (un vrai fil, il n’a pas de téléphone portable), dans son « salon-séjour-devenu-bureau ». Le Catalan nous décrit comment, seul chez lui, il fait désormais cours à des centaines d’étudiants de licence.
Le rituel est simple mais déstabilisant pour cet enseignant de 56 ans : il vide le rayon d’une bibliothèque à sa hauteur pour y déposer un objet qui lui était encore étranger au confinement du printemps – un ordinateur portable dernier cri, acheté sur ses propres deniers. Jean Jacob se place alors debout face à l’écran, lance l’application Zoom et commence à parler, ses 35 pages manuscrites en main. Le cours va durer trois heures, intermède musical compris.
Avant de réussir cet « exploit », comme il aime à le dire, le professeur a traversé des phases de « stress et de désarroi ». « Confrontés à un langage ésotérique, à un jargon technique lourd, nous avons été sommés de nous transformer en informaticiens », déplore-t-il, alors que, à l’annonce du premier confinement, il n’avait ni connexion Internet ni ordinateur chez lui – il en avait un à disposition à l’université.
Semestre dégradé
« Pris de court et coupé de tout pendant trois semaines », Jean Jacob a dû prendre le taureau par les cornes et s’adapter à cette nouvelle vie sous Covid-19. Il a suivi des tas de tutoriels vidéo, passé des heures en ligne avec « une ingénieure pédagogique remarquable », imprimé les 42 pages du document « gestion évaluation Moodle » et les 17 pages du « plan de continuité pédagogique ». Malgré toute sa bonne volonté, il s’est parfois senti « complètement perdu ». « Vous savez, vous, ce que c’est qu’un “plug-in” ? nous colle, amusé, le professeur. Et vous pouvez reconnaître une “prise réseau filaire RJ45” ? »
Certes, Jean Jacob fait partie de « cette génération qui a tapé son mémoire à la machine à écrire » – il a découvert comment ajouter une pièce jointe dans un e-mail il y a deux ans. Mais sa « frustration profonde » fait écho à celles de milliers de professeurs de l’enseignement supérieur contraints, depuis le reconfinement, de donner l’intégralité de leurs cours à distance, seuls face à un écran, soit de leur appartement, soit d’un amphithéâtre vide de leur établissement. Jonglant, tels des équilibristes, entre les espaces de leurs vies personnelle et professionnelle.
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