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Confinement : à CentraleSupelec, l'enseignement à distance est vu comme « un pis-aller »

Dans un entretien aux « Echos », le directeur général de CentraleSupelec, Romain Soubeyran, alerte sur les élèves qui « vivent très mal » le confinement actuel et l'absence de cours en présentiel. Sur le plan financier, il se dit aussi « inquiet » pour 2021. Une levée de fonds de 100 millions d'euros se prépare, auprès des anciens élèves.

A Saclay, CentraleSupelec a ouvert « La Diagonale », grande artère centrale du bâtiment Eiffel, pour que les élèves puissent « respirer un peu et avoir un réseau de qualité pour travailler ».
A Saclay, CentraleSupelec a ouvert « La Diagonale », grande artère centrale du bâtiment Eiffel, pour que les élèves puissent « respirer un peu et avoir un réseau de qualité pour travailler ». (Laurent Grandguillot/Rea)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 1 déc. 2020 à 08:15

Comme tous les responsables d'établissements d'enseignement supérieur , Romain Soubeyran est « déçu » de ne pas rouvrir ses campus (Saclay, Metz, Rennes) avant début février. Le directeur général de la prestigieuse école d'ingénieurs CentraleSupelec « espérait une réouverture en même temps que les lycées », et non début février comme annoncé par Emmanuel Macron . « J'ai du mal à justifier qu'on rouvre les restaurants, où on est obligé d'ôter le masque, et pas les campus sur lesquels les gestes barrière sont appliqués », regrette-t-il à l'occasion d'un entretien aux « Echos ». « Les élèves vivent très mal la situation actuelle, alerte Romain Soubeyran. L'enseignement distanciel est quand même un pis-aller par rapport au présentiel. »

Selon un sondage Harris-Epoka que « Les Echos » se sont procuré, dans cette école où le nombre d'élèves qui n'obtiennent pas le diplôme en fin de scolarité est marginal (moins de 1 %), près de la moitié des sondés indiquent avoir peur de décrocher, « alors même qu'ils sont globalement très satisfaits de l'accompagnement de l'école et qu'ils se considèrent presque tous comme bien équipés en termes logistiques ». Le directeur général de CentraleSupelec tire le « signal d'alarme » : « Leur état psychologique les met en situation de fragilité. » La cellule de soutien psychologique de l'école envoie « un nombre croissant d'élèves vers des consultations en ville ».

« Ménager l'avenir »

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CentraleSupelec a encouragé ses élèves à ne pas revenir sur le campus pendant le confinement, en transformant les travaux pratiques en enseignement à distance. Fin décembre, des examens se tiendront en présentiel , ils ont été regroupés « pour faire revenir les élèves le minimum de temps sur le campus et réduire les risques ». A Saclay pourtant, certains ont préféré le confinement sur place : « la résidence est remplie à une bonne moitié ». Les élèves sont donc sur le campus, mais doivent suivre leurs cours à distance.

Ceux qui devaient faire un stage à l'étranger n'y seront pas contraints - l'obligation a été levée. Mais l'école les encourage à le faire avant de terminer leur scolarité. « Il ne faut pas qu'on puisse dire qu'ils ont eu un diplôme au rabais, sans stage à l'étranger et avec un enseignement à distance, on essaie de ménager l'avenir, insiste Romain Soubeyran. C'est une question de crédibilité de la formation et du diplôme. »

« Sous très forte tension »

La crise sanitaire a aussi des conséquences sur la santé financière de l'établissement. Fin 2019, le Haut conseil de l'évaluation avait pointé les surcoûts de la fusion de Centrale et de Supélec. « La situation s'est bien assainie, on espère être à l'équilibre budgétaire pour l'exercice 2020 », poursuit Romain Soubeyran tout en se disant « beaucoup plus inquiet pour 2021 ». Car plus de la moitié des revenus de l'école « sont des ressources propres qui viennent très largement du monde économique et vont donc être sous très forte tension l'an prochain ». Sur la formation continue, la baisse des commandes est déjà « forte », et risque de « se propager en 2021 ».

Quant à l'apprentissage et à la tentation du gouvernement de faire des économies, « on commence à avoir l'habitude des réformes qui se suivent, glisse-t-il. On subit et on essaie de sensibiliser au maximum les entreprises pour qu'elles pensent à nous quand elles distribuent la taxe d'apprentissage… »

Les relations avec les entreprises passent aussi par la valorisation du foncier des campus. Pour ses gros projets de dévolution immobilière et de rénovation, CentraleSupelec table sur 35 millions d'euros d'aides, dans le cadre du plan de relance ou du contrat de plan Etat-région.

Une levée de fonds de 100 millions d'euros

La baisse des ressources n'entraînera pas de hausse des frais de scolarité (3.500 euros l'année pour les étudiants communautaires) : « Pour l'instant, il n'est pas prévu d'y toucher ». Mais CentraleSupelec compte faire appel à ses anciens élèves via sa fondation. Une campagne de levée de fonds doit démarrer l'an prochain et « visera vraisemblablement une centaine de millions d'euros sur cinq ans ».

Si l'école « reste à l'équilibre financier », elle augmentera la taille de ses promotions en diversifiant les filières pour favoriser la mixité et l'ouverture sociale . CentraleSupelec, qui compte 16,5 % de boursiers, cherche à développer un programme auprès de lycéens pour « les aider à surmonter l'autocensure ».

Plus de masters spécialisés

Pour alimenter ses ressources, CentraleSupelec entend développer ses formations les plus rémunératrices, notamment les masters spécialisés, comme celui développé avec l'Essec - data sciences & business analytics - qu'elle entend « répliquer dans d'autres endroits du monde ». En matière de développement international, le bachelor prévu avec l'université canadienne McGill pour recruter des étudiants nord-américains sera bien lancé l'an prochain, mais il faudra attendre plusieurs années avant qu'il ne « dégage du bénéfice ». Quant aux grands projets internationaux, ils passent désormais « de plus en plus par l'Université Paris-Saclay » - dont CentraleSupelec est membre - qui s'est hissée à la quatorzième place du classement de Shanghai .

« La peur de décrocher », pour près d'un élève sur deux

Il n'y a pas que dans les universités que les risques de décrochage existent. C'est ce que montre une étude menée sur un échantillon de 1.500 élèves de CentraleSupelec par Harris interactive et Epoka.

Interrogés par un questionnaire en ligne entre le 13 et le 23 novembre, ils sont 47 % à indiquer leur peur de décrocher et de ne pas « continuer à rester mobilisé pour valider leur année scolaire », dans une école où le risque de ne pas décrocher son diplôme en fin de scolarité est marginal (moins de 1%). Parmi les élèves interrogés, 10 % ont déjà pensé à arrêter complètement leur scolarité.

Ils admettent pourtant être très bien lotis : 92 % affirment avoir le bon équipement et 82 % se disent bien installés pour travailler. Les étudiants évoquent leur état psychologique qui s'est dégradé (41 %). Parmi leurs sujets de préoccupation, ils listent la santé de leurs proches (77 %), leur capacité à trouver un stage ou une alternance cette année (72 %), un emploi après leurs études (57 %), leur santé personnelle (43 %) ou encore leur situation financière personnelle (40 %).

Marie-Christine Corbier

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