Métiers du design et de la bande dessinée : tout pour bien choisir sa formation

Où étudier ? À l’occasion du salon Start, consacré aux formations artistiques, qui se déroulera cette année en ligne les 5 et 6 décembre, “Télérama” est allé à la rencontre de professionnels du design et de la bande dessinée. Un supplément à découvrir avec notre numéro du 2 décembre.

Par Benjamin Roure

Publié le 03 décembre 2020 à 15h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 00h12

«Le design est par essence une remise en question des choses établies, en se confrontant à d’autres regards et à d’autres cultures que la sienne. » C’est ainsi que la jeune designer Clémence Valade évoque sa pratique, à l’aune de ses études aux Pays-Bas et au Japon. Et de son arrivée dans un marché refroidi par la crise sanitaire : elle qui privilégiait une approche des usages quotidiens et de l’écoconception a dû débuter dans l’aménagement de bureaux.
Rester isolé et enferré dans une idée unique de son métier est un piège, comme le confirment la carrière aux virages multiples d’Ionna Vautrin et l’aspiration au collectif de Lucie Dubois, diplômée des Arts déco en design textile. Ce besoin de sortir du tête-à-tête avec son ordinateur — sans doute encore plus vital à l’heure du confinement et du télétravail — est aussi celui de créateurs souvent solitaires, tels les auteurs de bande dessinée. L’émulation d’une promo d’école, la constitution d’une tribu, le bouillonnement d’un fanzine ou d’une revue en ont sauvé plus d’un de la déprime face à un métier de plus en plus précaire.


C’est dans le regard des autres qu’on grandit et les écoles d’art et de design sont souvent lieu d’échanges. Nombre d’entre elles seront présentes, en ligne, pour un salon Start inédit, 100 % numérique, avec tchat et conférences en live. Une bonne façon de faire connaissance avec ces écoles, qui seront plus que jamais nécessaires pour former les futures générations à réinventer la vie, avec ou après le virus.

Les métiers du design

Vous connaissez peut-être sa lampe Binic ou celle imaginée pour le TGV. À 40 ans, la designer Ionna Vautrin, formée à Nantes, explique pratiquer un design à l’ancienne, mais n’a pas renoncé à évoluer. Et compte retourner vers le fait main.

Ionna Vautrin s’est fait un nom grâce à sa lampe Binic, qu’elle a imaginée pour le fabricant italien Foscarini en 2010.

Ionna Vautrin s’est fait un nom grâce à sa lampe Binic, qu’elle a imaginée pour le fabricant italien Foscarini en 2010. ionavautrin.com

Comment êtes-vous devenue designer ?
J’ai un temps hésité avec la cuisine, car je cherchais une discipline entre la création et le tangible, qui ait un impact sur les gens. Finalement, à la fin des années 1990, j’ai intégré l’École de design Nantes Atlantique, à l’époque consacrée au design industriel et qui formait des jeunes à intégrer les grandes entreprises. Je rêvais de produire des pots de yaourt que tout le monde achèterait ! En sortant, j’ai d’abord dessiné des chaussures pour Camper en Espagne, puis des produits pour Moulinex et Tefal, dans le studio de George Sowden à Milan, avant de revenir en France et d’avoir une vision plus artistique aux côtés de Ronan et Erwan Bouroullec. Je me suis mise à mon compte voilà dix ans.

Est-ce difficile de vivre du design en solo ?
Sauf gros et rare projet comme celui des lampes du TGV que j’ai réalisé pour la SNCF, on vit dans l’incertitude. Je suis la plupart du temps rémunérée en royalties sur les pièces vendues. Mais le travail de conception ou de protypage n’est pas dédommagé. Et si le produit n’est pas bien distribué ensuite, on a beau être visible dans les magazines, on ne touche presque rien. La clé est donc d’avoir suffisamment de produits différents en circulation et de travailler aussi sur des commandes où le développement est payé, comme pour ma théière pour le Palais des thés. Mais la crise du Covid, qui a entraîné des fermetures de commerces, a un fort impact sur les designers.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes tentés par le design ?
J’interviens dans des écoles, telle l’Ensci, et je réalise au contact des étudiants que la façon dont je pratique le design leur paraît déjà dépassée. Ça m’interroge ! Il faut qu’ils gardent leur énergie et leur engagement en sortant de l’école pour ne pas se laisser écraser par le système, rester positifs et tenaces ; tant de projets restent dans les cartons que cela peut décourager… Pour ma part, je me forme actuellement à la céramique, ma passion de jeunesse. Pour renouer avec le fait main et ne pas passer les vingt prochaines années devant un écran. Et aussi pour trouver un nouveau sens à mon métier.

LES ÉCOLES
Sous tutelle du ministère de la Culture, les écoles publiques d’art et de design offrent des cursus de haut niveau en trois et cinq ans, sur tout le territoire. Gratuites, elles sont très prisées, et leurs concours, accessibles avec un bac, sont donc relevés. Les domaines classiques du design – graphisme, espace, objet – se retrouvent dans la plupart, mais certaines proposent des mentions et des parcours particuliers, tels le design culinaire à Reims, le design sonore au Mans, les objets connectés à Orléans, le design social à Valenciennes, ou le textile à Mulhouse. Côté écoles privées, même si elles proposent des filières proches, certaines ont fait leurs preuves dans des domaines particuliers comme l’architecture intérieure, le design industriel pour les produits ou les transports, ou le graphisme.

Réseau des écoles publiques d’art et de design Andéa
andea.fr
École nationale supérieure des arts décoratifs
Publique. À Paris. 438 €/an. ensad.fr
Ensci
Publique. À Paris. 438 €/an. ensci.com
Ensaama
Publique. À Paris. Gratuite. ensaama.net
Epsaa
Publique. À Paris. 440 €/an. epsaa.fr
Strate école de design
Privée. À Sèvres et Lyon. De 8 100 à 9 800 €/an. strate.design
Rubika
Privée. À Valenciennes. 8 250 à 9 500 €/an. rubika-edu.com
ECV
Privée. À Paris, Lille, Bordeaux, Nantes et Aix-en-Provence.
8 450 à 9 150 €/an. ecv.fr
École de design Nantes Atlantique
Privée. À Nantes. 6 900 à 7 700 €/an. lecolededesign.com
École Camondo
Privée. À Paris et Toulon. 9 000 à 12 000 €/an. ecolecamondo.fr
Lisaa
Privée. À Paris, Rennes, Bordeaux, Nantes et Strasbourg. 6 250 à 9 290 €. lisaa.com

Les métiers de la bande dessinée

Benjamin Adam s’est vite ennuyé en tant que graphiste et a réussi à intégrer la Haute École des arts du Rhin. La voie royale ? Pas sûr. Le dessinateur de Soon, 37 ans, décrypte un métier des plus précaires.

Un extrait de l’album Soon de Benjamin Adam et Thomas Cadène (Dargaud), ample fresque de science-fiction célébrée par la critique.

Un extrait de l’album Soon de Benjamin Adam et Thomas Cadène (Dargaud), ample fresque de science-fiction célébrée par la critique. Benjamin Adam/Éditions Dargaud

Faut-il passer par une école pour devenir auteur de BD ?
L’école n’est pas obligatoire mais c’est un accélérateur car elle permet de sortir d’une pratique très solitaire. Ma formation aux Arts déco de Strasbourg [aujourd’hui Haute École des arts du Rhin, ndlr], après avoir travaillé quelque temps comme graphiste, a été géniale. Pour les ateliers, mais surtout l’apprentissage au contact des autres élèves et des professionnels.

Avez-vous travaillé facilement à la sortie ?
Pendant deux ans, j’ai dessiné pour la presse et l’édition jeunesse, puis j’ai commencé à développer des projets personnels. Et là, j’ai eu un vrai coup de mou : mes BD n’avançaient pas, car je devais répondre à des commandes pour vivre, et ça me minait. J’ai alors fait ce que font beaucoup de jeunes auteurs : j’ai emprunté de l’argent à mes parents, pour me donner le temps de dessiner Lartigues et Prévert. Puis est arrivée La Revue dessinée : une revue de BD documentaire novatrice, et qui paie les auteurs correctement. Cela m’a permis de vraiment devenir auteur de BD et de trouver un équilibre.

Peut-on vivre en tant qu’auteur ?
Cela reste un défi quotidien. Dargaud m’a versé une avance notable pour réaliser l’album Soon avec Thomas Cadène, mais j’ai quand même dû accepter des commandes à côté pendant ces deux ans de création. Tout cela reste fragile. Car j’ai besoin de temps pour développer les idées qui me viennent. Et nous sommes nombreux dans ce cas. Toutes les récentes discussions des auteurs avec le ministère de la Culture n’ont mené à aucun progrès pour nous, à part nous inciter à faire davantage d’ateliers avec des enfants pour être rémunérés… Mais rien pour notre métier d’auteur, alors que nous alertons sur notre précarisation depuis longtemps.

QUELQUES FORMATIONS À LA BANDE DESSINÉE
Haute École des arts du Rhin
Publique.
À Strasbourg. 850 €/an. hear.fr
École européenne supérieure de l’image
Publique.
À Angoulême. 590 €/an. eesi.eu
École Émile-Cohl
Privée. À Lyon.
De 8 190 à 8 370 €/an. cohl.fr
Cesan
Privée. À Paris. 5 800 €/an. cesan.fr
École Pivaut
Privée. À Nantes et Rennes. 4 100 à 4 300 €/an. ecole-pivaut.fr
Académie Brassart-Delcourt
Privée. À Paris. 6 800 €/an. academie-bd.fr
École Jean-Trubert
Privée. À Paris. 5 900 €/an. ecolejeantrubert.com
École de Condé
Privée.
À Paris, Bordeaux, Marseille, Toulouse. 6 200 à 8 350 €/an. ecoles-conde.com
Liconograf
Privée.
À Strasbourg. 4 600 €/an. liconograf.com

À voir
Salon Start, les 5 et 6 décembre, en ligne : le-start.com

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