Ce lundi matin, Manon, 20 ans, a enfilé un chemisier printanier et un jean, qu’elle a troqué contre son pyjama, devenue sa tenue quotidienne depuis que ses cours de l’UBS sont à nouveau à distance. « Quand on voit que les collégiens et les lycéens ont cours à l’école, ça donne vraiment l’impression que ce confinement a été mis en place pour nous, les étudiants, et c’est dégueulasse », tempête-t-elle, enfoncée dans un fauteuil Acapulco du salon familial.
Un isolement que la vingtenaire digère beaucoup moins bien que le premier. « J’ai des pensées plus négatives, je doute plus, et puis la période hivernale n’arrange rien. Là je paierais n’importe quoi pour boire un chocolat chaud en terrasse ! », lance-t-elle, un sourire en coin. Aujourd’hui, Manon passe ses interclasses dans la cuisine, quand elle ne bûche pas dans sa chambre. « C’est dingue parce qu’il y a encore quelques mois, on se plaignait des amphis, d’être mal assis… Aujourd’hui, ça me manque ! » avoue-t-elle.
« Les relations via le portable, c’est super nul. C’est virtuel quoi ».
Quant au lien social, c’est sur son smartphone qu’elle le trouve. Elle y passe deux heures en moyenne par jour, scrollant* d’une appli à une autre. « Mais j’ai l’impression qu’on n’a plus rien à se raconter avec mes potes, il n’y a que la routine », glisse-t-elle. Après un léger temps de réflexion, elle complète : « Les relations via le portable, c’est super nul. C’est virtuel quoi ».
Tout comme ses cours et ses examens, qu’elle passe en ce moment. « Et ça change tout, soupire-t-elle, de la manière de réviser à la manière d’écrire ». Y compris la manière de noter, à l’entendre parler. « Nos profs ont peur que l’on triche, alors ils limitent drastiquement le temps pour rendre un exercice. On a le sentiment qu’on serait notés moins sévèrement si l’on était en présentiel », poursuit celle qui dit s’inquiéter pour son avenir. Manon, qui se décrit comme une élève « dans la moyenne », souhaite travailler dans la cybersécurité à Bordeaux. « Quitter enfin Vannes, changer d’air, vivre dans une grande ville », énumère-t-elle, les yeux pétillants derrière ses lunettes ovales.
« Je vais écrire quoi sur mes lettres de motivation ? »
Mais avec les mois qui défilent, l’étudiante craint de voir ce rêve s’éloigner. Afin de se distinguer les uns des autres, leurs professeurs leur ont conseillé, en début d’année, de multiplier les stages. Si elle a pu intégrer un cabinet en octobre, celui prévu en janvier est tombé à l’eau. « Je vais écrire quoi sur mes lettres de motivation pour entrer en master : que je voulais faire un stage mais que je n’ai pas pu ? » s’enquit-elle.
L’étudiante veut quand même y croire, malgré le manque de visibilité. Elle soupire : « La plus grande difficulté pour cette année, c’est d’arriver à me projeter ». Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir idéalisé ses 20 ans. « Mes parents m’ont rabâché les oreilles avec ça, en me disant que c’était la plus belle année, qu’il fallait en profiter. Aujourd’hui, j’ai juste l’impression de ne rien accomplir ».
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