Publicité
Analyse

Avocat, une profession en péril ?

Fragilisés par la grève menée contre la réforme des retraites, les moyens insuffisants de la justice et la crise sanitaire, les avocats continuent à avoir foi en l'avenir, même si de plus en plus pensent à changer de profession.

28.000 avocats quitteraient la profession ces prochains mois, d'après le Conseil national des barreaux.
28.000 avocats quitteraient la profession ces prochains mois, d'après le Conseil national des barreaux. (Hervé Pinel pour Les Echos)

Par Delphine Iweins

Publié le 4 déc. 2020 à 07:00Mis à jour le 4 déc. 2020 à 10:01

Dans les prochains mois, 28.000 avocats quitteraient la profession. Ce chiffre, annoncé par le Conseil national des barreaux à la sortie du premier confinement, a donné quelques sueurs froides. Il a depuis été revu à la baisse, mais le constat est là, la profession souffre. Déjà fragilisés par la grève menée contre la réforme des retraites à la fin de l'année 2019, certains avocats n'auront pas résisté à la pandémie. Comment l'expliquer ? Est-ce une simple régulation du marché du droit ? « On ne compte que 70.000 avocats en France, bien moins qu'ailleurs en Europe. Au cours des dix dernières années, la hausse démographique est nette, mais nous restons loin derrière d'autres pays européens en nombre d'avocats par habitant », précise Jean-Michel Calvar, président de l'Observatoire national de la profession d'avocat. L'explication ne résiderait donc pas dans le nombre de robes noires, mais plutôt dans leurs profils.

Moins de 60.000 euros de revenus annuels

S'il fallait dresser un portrait-robot de l'avocat d'aujourd'hui, ce serait une jeune femme en exercice individuel, sans collaborateur ni secrétariat, pratiquant le judiciaire pour les particuliers et dépendant de l'aide juridictionnelle. Sur les 70.000 avocats recensés en France, 57 % sont des femmes et 50 % exercent seuls. C'est d'ailleurs cette catégorie qui souffre le plus actuellement.

D'après les derniers sondages menés par l'Observatoire national sur la situation professionnelle des avocats par temps de Covid-19, 70 % d'entre eux disposent de revenus annuels inférieurs à 60.000 euros. Ces avocats ne disposent pas toujours de connaissances en gestion, trésorerie ou management. Or, un esprit entrepreneurial fait toute la différence durant une telle crise. « L'exercice individuel n'est pas une bonne solution pour la rentabilité de la profession », remarque Jean-Michel Calvar. Tous les avocats peuvent s'installer tout juste diplômés, sans avoir aucune autre formation que celles transmises par l'université et l'école, ce qui s'avère très vite insuffisant sur le plan de gestion d'un cabinet. Les formations continues proposées par les barreaux en marketing, communication et gestion se multiplient, mais les avocats peinent encore à se considérer comme des acteurs économiques à part entière. Ils se tournent souvent trop tard vers leurs institutions pour demander de l'aide. 10 % n'ont pas pu payer leurs charges Ursaff en 2020 et au moins 4 % - souvent des professionnels déjà en difficultés - font l'objet d'une procédure collective.

Publicité

Un marché du droit de plus en plus large

Bousculée aussi par les start-up du droit , qui pour certaines d'entre elles ont pris des parts de marché aux avocats généralistes, la profession commence à réfléchir à d'autres façons d'exercer. « Le marché du droit est en constante progression. Les avocats ont de plus en plus de mandats et de missions : intermédiaire en opérations d'assurance, mandataire sportif, mandataire immobilier, etc. », rappelle Delphine Gallin, vice-présidente du syndicat ACE Avocats. Exercer en entreprise est aussi une piste remise au goût du jour par l'actuel garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, qui souhaite le mettre en oeuvre à titre expérimental.

Depuis le début du deuxième confinement, 25 % des avocats individuels se posent la question de l'association avec d'autres confrères. Ils ne poussent pas, pour autant, le raisonnement au point d'ouvrir leur capital à d'autres professionnels du droit, tels que les notaires ou les experts-comptables, sous forme de société pluriprofessionnelle d'exercice, comme la loi leur permet depuis 2016.

Relations tendues avec les magistrats

La profession est très marquée par le judiciaire - à peine 15 % d'entre eux font uniquement du conseil -, ce qui explique aussi les difficultés économiques qu'elle peut rencontrer actuellement. Un avocat sur deux dit entretenir des relations médiocres avec les magistrats . Les témoignages d'incidents d'audiences ne manquent pas, plusieurs barreaux ont soulevé ces problèmes auprès de la chancellerie, sans grand succès. La justice manque de moyens et tous ses acteurs en souffrent dans leurs exercices.

De plus, la crise sanitaire a entraîné un véritable problème d'accessibilité. Lors du premier confinement, toutes les juridictions étaient fermées, ce qui a reporté des milliers d'audiences, souvent déjà hors délais. « Les avocats trouvent que leurs dossiers ne tournent pas assez vite, ce qui est ensuite compliqué pour en entrer de nouveaux », confirme Jean-Michel Calvar. A ce jour, au moins 30.000 dossiers ne seraient pas encore traités par les juridictions.

Delphine Iweins @DelphineIweins

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité