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Les économistes et le gouvernement font le grand écart sur l'évolution de l'emploi

Les économistes de l'OFCE, de la Banque de France ou encore de Rexecode s'attendent à un millésime 2021 encore très difficile pour le marché du travail. Aux antipodes des prévisions, à ce stade, confiantes du gouvernement.

L'incertitude qui entoure l'évolution de l'épidémie rend très incertaines les prévisions de l'emploi et du chômage en 2021.
L'incertitude qui entoure l'évolution de l'épidémie rend très incertaines les prévisions de l'emploi et du chômage en 2021. (PHILIPPE HUGUEN/AFP)

Par Alain Ruello, Guillaume de Calignon

Publié le 15 déc. 2020 à 18:33Mis à jour le 16 déc. 2020 à 10:01

Les prévisions de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) sur l'emploi en 2021 ? « J'espère qu'ils se trompent ! » Fait assez inédit s'agissant d'un membre du gouvernement, Elisabeth Borne n'a pas caché lundi lors d'une rencontre avec la presse sociale ses interrogations - pour ne pas dire plus - concernant les travaux d'un organisme de conjoncture, l'un des plus renommés qui plus est. La ministre du Travail aurait aussi trouvé à redire aux prévisions de la Banque de France , tout aussi orthogonales par rapport à celles de l'exécutif, si elles avaient été publiées avant son intervention.

De fait, selon les sources, les projections pour le marché de l'emploi l'an prochain vont du très optimiste au très pessimiste, avec pour seul point commun d'entourer tout cela d'un haut degré… d'incertitudes ! Passe encore d'essayer de mettre des chiffres sur les postes créés ou supprimés en fonction des hypothèses de croissance retenues. Pour ce qui est de l'évolution du taux de chômage en revanche, l'exercice tient de la roulette russe puisqu'il est très difficile de modéliser les passages de l'inactivité à l'activité. La Banque de France anticipe un pic mi-2021. L'Insee, de son côté, s'est bien gardé de s'aventurer sur ce terrain ce mardi en présentant sa note de conjoncture .

Solde nul en 2021

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Pour ce qui est de l'OFCE, Elisabeth Borne a remis en cause la destruction attendue de 850.000 emplois fin 2021 par rapport à fin 2019 basée « sur des hypothèses d'augmentation de la productivité des entreprises qu'on ne comprend pas », a-t-elle indiqué, peu convaincue que l'économie dans son ensemble soit gagnée par un tel mouvement, malgré le contexte « inédit ».

Précisément, après une perte de près de 800.000 emplois salariés cette année, l'OFCE s'attend à un solde nul en 2021, les faillites, les gains de productivité ou encore l'atterrissage de l'activité partielle sur des taux moins protecteurs réduisant d'autant les créations de postes liées à la reprise et aux mesures de soutien. « Fin 2021, le niveau d'emploi salarié resterait à son niveau prévu pour le quatrième trimestre 2020, avec toutefois des évolutions contrastées selon les branches d'activité », souligne-t-il.

Gains de productivité

Ainsi, l'industrie, secteur où les gains de productivité sont les plus élevés, continuerait à perdre des effectifs pour restaurer ses marges. La situation serait meilleure dans la construction, portée par la reprise de l'activité et les effets du plan de relance , sans toutefois retrouver son niveau d'avant-crise. Dans les services marchands, l'emploi s'améliorerait légèrement, tiré par une levée des restrictions sanitaires et une reprise dans l'hébergement-restauration et les services aux ménages.

Dans son scénario central présenté lundi, la Banque de France a mis en avant des chiffres un peu moins dégradés, mais somme toute assez proches de ceux de l'OFCE : -730.000 emplois salariés en 2020, et +45.000 en 2021, en se basant sur des hypothèses d'évolution du PIB de -9 % et +5 % respectivement. Du côté de Rexecode aussi, on s'attend à un millésime 2021 du marché du travail dégradé. Ce sera d'ailleurs une des difficultés sur le plan politique. Les chiffres de croissance seront meilleurs en 2021, rebond oblige, mais l'économie détruira des emplois.

Effet des faillites

Tout cela contrastes très fortement avec les hypothèses du gouvernement telles qu'elles figurent dans son projet de loi de Finances pour 2021 . Après la perte de 800.000 postes cette année, l'emploi salarié est attendu en hausse de 400.000 l'année prochaine, porté par le rebond de l'activité, le plan de relance et les incitations à l'embauche. Dans ses dernières prévisions financières, l'Unédic était sur la même ligne.

Pourquoi un tel grand écart ? Economiste à l'OFCE, Eric Heyer s'en est expliqué avec le cabinet d'Elisabeth Borne. A ses yeux, la principale raison du désaccord tient aux taux de recours des entreprises à l'activité partielle, le gouvernement prévoyant un nombre beaucoup plus important de salariés protégés par ce dispositif, malgré une baisse attendue (a priori) des taux de prises en charge.

Par ailleurs, le relâchement graduel des mesures sanitaires coûterait 150.000 emplois, les entreprises cherchant à rétablir leurs marges. A cela s'ajouterait l'effet des faillites - 180.000 postes - non pris en compte par l'exécutif, selon Eric Heyer. « Une baisse d'activité marquée par un grand nombre de faillites a beaucoup plus d'impact sur l'emploi », prévient-il.

Alain Ruello et Guillaume de Calignon

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